Vous êtes très nombreux à apprécier le roman de Zoélie, MUNDUS. Le Monde de Verlaine vous propose d'en découvrir la suite. Si vous souhaitez vous reporter aux chapitres précédents, cliquez ici !
Illustration : Charlotte P.-B. (6e5) |
Chapitre XIX
Le Renard
La Brigade Irënienne nous entraîne dans le tunnel de l'arbre des Rêves, sur
la montagne du Chaos et sur le pont du Chaos, puis dans la prison
souterraine. Je ne m'imaginais pas un jour entrer dedans en tant que
hors-la-loi, les seules fois où j'y allais étant pour accompagner des
prisonniers avec la Brigade. Quelle torture de voir ceux avec qui je
m’entraînais au combat, courrais dans la montagne, ceux avec qui je
partageais ma vie ! Pourquoi ai-je fui ?! Quelle lâcheté ! J'ai baissé les
yeux devant mon destin, j'ai abandonné ma destinée de combattant à cause de
mes émotions, trop dures pour ce petit idiot que je suis ! Argh... je
m'emporte contre moi-même, quel imbécile ! Mais j'ai trouvé quelqu'un
qui était comme moi – ou presque, mais qu'importe. Il n'est pas un
Irënien, il ne comprend rien à ce qu'il ce passe, mais ce lien étrange que
nous avons formé il y a peu est solide.
Je ne sais pas si je le considère
comme un ami, mais c'est un être qui m'est cher. Je ne m'explique pas pourquoi, mais j'ai l'impression que nous sommes pareils. Et c'est de ma faute
si ce petit humain est coincé dans une autre dimension, dans une prison. Et
même si j'y laisse ma fourrure, j'ai trouvé mon objectif : le ramener sur
la dimension Terre, où il sera en sécurité. Il y fera froid, il aura faim,
mais il ne sera pas constamment en danger de mort. Et je ferai tout pour y
parvenir. Cet échange de regard, le jour où nous nous sommes rencontrés,
ces paroles que l'on s'est transmises par les yeux, c'est comme un instant
suspendu, avant tout, avant la pagaille, les chemins des dimensions, les
cellules, tout.
Avant que nous nous séparions, il m'adresse un coup d’œil vif et
terrorisé. Mon cœur se serre d'avantage, mais je lui rends son regard. Il sombre
dans les ténèbres de sa cellule, et c'est la même chose pour moi. Un ancien camarade
me pousse à l'intérieur. C'est un geste plein de rancune, de rage,
d'incompréhension. Et ça fait terriblement mal, cela me déchire. Je m'y
installe gauchement, et il siffle un mot plein de haine à mon égard. Il
prend ma faute très au sérieux, lui. Oh! Je ne me fais pas d'idées. Je dois
être haï par toutes les contrées de l'Irëna. Et peut-être même dans les
autres dimensions, soyons fous ! Je m'endors, terriblement accablé. Mon
rêve est étrange, mais je me concentre sur l'enfant. Je tente de
m'incruster dans son sommeil. Je ne sais pas si c'est possible, j'essaye.
Je crois entrevoir une bribe de rêve agité, de souvenirs, d'images que je
ne connais pas. Ce sont des humains, c'est sûrement son sommeil. J'arrive
étrangement à lui souffler un mot dans le langage des hommes : "Enfant,
j'arrive ! Je viens te sauver, je viens te sauver et..." mais je me
réveille, dans ma cellule.
Œnothera Missouriensis (œnothère)(source : waltersgardens.com) |
Chapitre XX
Le Gamin
Je me réveille en sursaut. J'ai mal à la tête et un torticolis. L'odeur de
l'humidité me rappelle que je suis en prison. Des pas et des tintements
métalliques retentissent. Je commence à avoir faim, mais étrangement, c'est
comme si le changement de monde avait remis à zéro l'état de mon estomac.
Je me précipite à côté du rocher qui bloque l'entrée de ma cellule. Un
trou, très petit, me permet de voir des pattes de renards géantes gantées
de cuivre. Elles s'arrêtent en arrivant à mon niveau, je me tends. On
déplace un rocher un peu plus loin, et d'autres pattes qui me sont
familières sortent. Ils embarquent mon ami. Soudainement, je me mets à leur
hurler des insultes, et à leur ordonner de faire attention à mon renard. Je
l'entends sursauter, mais les soldats ne fléchissent pas. Ils repartent.
J'ai peur. Je continue à leur crier des paroles menaçantes, dont je ne suis
pas sûr qu'ils en comprennent la moitié du quart. Mais peu importe, ils
doivent comprendre le concept.
Je finis par me rasseoir, épuisé, au fond de ma prison. Vont-ils le
torturer, le tuer ? Qu'a-t-il fait pour mériter ça ? Je suis un humain
qui se retrouve prisonnier dans un autre monde, après avoir traversé une
sorte d'univers vide et silencieux. Quelle situation ! Mon coeur se serre
quand je repense à Caen, à ses ruelles et à ses monuments. Comment y
retourner ? Mais le laisser là, tout seul, face à un sort cruel sans doute, comment le pourrais-je ?
Après avoir réfléchi, je me décide. Je m'attaque au rocher, que je tente
de déplacer. C'est là que je me rends compte que je n'ai pas de muscle.
Toute la journée, j'essaie vainement de soulever ce qui me sépare de la
liberté.
Chapitre XXI
Le Renard
Alors que je broie du noir dans l'ombre, le rocher bouge. La lumière ne me
fait rien car les couloirs de la prison souterraine sont presque aussi
sombres que les cellules. On m'attache à une corde et on m'emmène je ne sais
où. Je n'étais pas assez doué pour être chargé de ce genre de mission, mais
je reconnais quelques-uns de mes compagnons d'antan. Nous sortons de la
prison, la lumière m'aveugle terriblement. On m'emmène par de sinueux
chemins de la montagne du Chaos jusqu'à la Plaque des Aveux, où l'on
m'attache sur la froide pierre. Je m'attends alors à une série de
questions. Mais on n'en fait rien, et l'on me laisse juste là, on m'observe. Soudain, une petite troupe de renards Irëniens en armure
arrivent, une femme qui porte une tunique grise à capuche, surprotégée, se trouve au milieu d'eux. Mon
sang se glace. À sa vue, je pousse une plainte qui m'échappe. Parce que si
la cheffe de l'Irënia en personne se déplace, il s'agit d'une affaire
majeure. Je pensais que ma faute serait moins prise au sérieux, et je me
mets à rejeter légèrement mes responsabilités, me dégoûtant moi-même au
passage. Un dégoût profond, celui qu'on éprouve à l'égard des lâches. Cette personne est terriblement
forte, intelligente, respectée et dégage une aura à faire mourir. Aussi,
j'abandonne tout espoir de survie à sa vue. J'ai peur, tellement peur ! On
m'assomme. Je rêve. Dans mon rêve, je pousse un S.O.S. à l'enfant. Je
voulais le sauver, mais je ne suis peut-être pas destiné à le faire
maintenant.
(À suivre...)
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