EDITORIAL


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ÉDITORIAL

Le Monde de Verlaine a deux objectifs : permettre aux élèves de s'exprimer sur l'actualité (au sens très large) et les éduquer aux médias.

Ainsi, tous les lundis, en salle 5, de 13h à 13h50, sous la direction de M. Aupée, les élèves volontaires pourront venir écrire sur un sujet d'actualité de leur choix (international, national, régional, Évrecy, collège). Ils pourront aussi écrire un article "coup de cœur" ou participer à la Web-TV, La Télé de Paul.

En outre, les enseignants du collège et des écoles du secteur pourront également proposer à la publication des travaux d'élèves réalisés en classe afin de les mettre en valeur.

jeudi 21 juin 2018

Les aventures de Célestia (Chapitre 14)

Célestia est déjà de retour ! Que va-t-il lui arriver après la disparition de... (Vous n'avez pas encore lu le 13e chapitre ?! Nous n'allons pas vous spoiler mais vous devriez lire celui-ci pour connaître cette information !!!). Pour les autres, voici la suite des Aventures de Célestia écrites par Maëlys Cosson (qui révise son brevet, non ?).


CHAPITRE 14


            Des voix familières me parviennent, lointaines mais réelles :

« Cel ! Je t'en prie cesse de te débattre, je sais que c'est dur mais s'il-te-plaît, on a encore besoin de toi !

-Allez Cel, lève-toi, ma sœur a été enlevée ! Ce n'était qu'un chat, là c'est Élise !

-Oh Maotys tais-toi ! Ce n'était pas qu'un chat c'était Myo ! La prochaine fois que tu lui dis une chose aussi stupide je t'assomme ! Célestia, je te promets qu'on va l'enterrer avec tous les honneurs qui lui reviennent mais s'il-te-plaît ne t'enferme pas dans ton désespoir. Pense à Élise, elle est seule face aux forces maléfiques, nos ennemis l'ont emmenée quand ils sont partis... »

J'ouvre les yeux. Ma vue est brouillée par mes larmes mais j'aperçois le corps de mon chat. Je réprime un haut-le-cœur, la tête me tourne. Depuis combien de temps suis-je ici ? Lizzie me soutient, je vois sa silhouette rose. Qu'a-t-elle dit sur Élise ? Enlevée ? Oui je me souviens. La jeune fille a raison, je dois me relever, je dois affronter les forces maléfiques, celles qui ont tué mon Myo. Celles ont kidnappé mon amie ; elles n'ont jamais fait de si grosse erreur. Je me lève et regarde la fille rose devant moi, elle semble comprendre. Je caresse la tête de Myo et lui fais mes adieux mais je lui promets aussi une chose : je ne laisserais plus jamais quelqu'un se faire tuer pour moi.

Je me retire un peu plus loin dans la montagne pour laisser Lizzie s'occuper de la dépouille de mon chat et l'enterrer comme il convient de le faire. Après avoir marché un bon moment sans réfléchir, j'arrive dans l'endroit où nous avons passé la nuit dernière. Toutes nos affaires sont ici. Je les ramasse et rebrousse chemin pour retrouver mes compagnons. Soudainement, je me rappelle de quelque chose, lorsque nous avons décidé de partir dans les montagnes et quand nous y sommes arrivés, j'étais parcourue de mauvais pressentiments, maintenant, je sais pour quelle raison, quelque part, je savais qu'un drame allait arriver ici. Je respire profondément, il faut que je m'habitue à ces intuitions et que j'apprenne à les écouter, cela pourrait m'aider à éviter certains événements. Il est temps de retourner avec les autres, je soupire, quand est-ce que cette maudite quête se terminera-t-elle enfin ?

Lizzie me montre une petite pierre verticale, sur laquelle est gravée une inscription : « A Myo, plus qu'un chat, un ami cher. Repose en paix »

Je refoule un nouveau sanglot, si Myo était encore là, il voudrait que je me montre plus courageuse que jamais. Je regarde mes amis, malheureusement, mon deuil devra attendre, Maotys fait les cents pas, je dois l'aider à retrouver Élise. Il se tourne vers moi :

« Cel, ma sœur ! Elle a été enlevée pendant que tu te battais. J'étais tellement distrait que je n'ai rien vu. Cel, il faut que je la retrouve ! Si tu n'avais pas littéralement craqué, j'aurais pu voir la scène mais là...

-Et puis quoi encore ! Vas-y, accuse la tant que tu y es ! Je te signale que sans elle, tu serais mort à l'heure qu'il est !Tu n'es qu'un ingrat Maotys, un ingrat idiot ! rétorque Lizzie.

-Je ne te permets pas ! Tout ce que je veux c'est retrouver ma sœur !

-S'il-vous-plaît, arrêtez de vous disputer, interviens-je, Lizzie, Mao n'a pas totalement tord, à cause de moi, les chats renégats ont pu partir avec Élise sans que personne ne s'en rende compte. En même temps, Maotys as-tu un plan pour la retrouver ?

-Je... Je ne sais pas. Peut-être pourrions-nous nous lancer sur les traces des chats ?

-Ah oui et tu les vois où tes traces ? demande la jeune fille, et puis tu comptes faire quoi quand tu te retrouveras en face des forces maléfiques ? Leur demander gentiment de te rendre ta sœur ?

-C'est vrai... Alors je chercherais dans toutes les montagnes pour retrouver Élise.

-Mais tu es vraiment stupide ma parole ! Ça ne change rien au problème ! En plus, ces montagnes font le tour complet de l'Hercaliazie, le temps que tu trouves leur cachette, elle sera déjà morte ! »

J'arrête d'écouter cette conversation. Penser qu'un de mes amis meure m'est insupportable. Je sens la douleur ressurgir en moi et essaie de la contenir. Si je me laisse aller, je ne pourrais pas continuer. Je m'éloigne. Que dois-je faire ?

Comme pour me répondre, des images apparaissent devant mes yeux. Une cage. Je vois une énorme cage où sont enfermées deux silhouettes. À côté, il y a Élise. Oui c'est elle ! Mais je n'arrive pas à distinguer si elle est dans cette cage ou en dehors. Elle semble en colère contre quelqu'un, non, elle semble refuser quelque chose... Ma vision m'emmène autre part, dehors cette fois. Je vois l'entrée d'une caverne soutenue par de grandes colonnes de pierre sculptées à même la roche. C'est ici qu'est retenue mon amie, mais comment savoir où se trouve cette caverne ? Là aussi, les images me répondent et me montrent les étoiles, je comprends, je dois suivre la constellation où trois astres se succèdent verticalement. Ils pointent la caverne.

Je retrouve l'usage de ma vue. Mao et Lizzie sont devant moi :

« Cel ça va ? On t'a vu, tu nous a fait une sacrée peur tu sais, commence le premier.

-Oui, tu étais dans une sorte de transe, tu faisais même un peu peur, continue la seconde.

-Je sais où est Élise. »

En quelques minutes, je leur explique le sens de ma vision. Il faut se dépêcher, l'aube va sûrement bientôt pointer et les étoiles ne vont pas rester indéfiniment. Je scrute le ciel. Pourvu que je les trouve. Je cherche encore et encore. Trouvé ! J'observe de nouveau pour être sûre de moi, oui, c'est bien la même constellation. J'interpelle mes amis, prends mes affaires, dis adieu à Myo en enfouissant ma douleur et mon chagrin au plus profond de moi et prends la route.

Le chemin est difficile et abrupt. Le jour se lève doucement mais j'ai repéré un pic qui semble tout près de l'endroit pointé par les étoiles. J'ai l'impression de monter encore et encore mais lorsque je pense toucher la voute céleste, la pente se découvre et me laisse contempler la distance qui me sépare du ciel.

Dans le silence de la montagne, j'entends un bruit, comme un bourdonnement, nous sommes proches de la caverne, j'en suis certaine.

Nous avançons, prudents, il ne faut pas que l'on nous remarque. Je suis stressée. Que vais-je trouver là-bas, qu'étaient ces silhouettes ? Ne nous jetons-nous pas dans la gueule du loup si nous nous rapprochons encore ? Je m'apprête à en faire la remarque à mes compagnons mais mon « sixième sens » m'avertit d'un danger. Je me cache avec eux à l'ombre d'un énorme rocher. Les fées criminelles ! Je me tasse un peu plus, faites qu'elles ne nous remarquent pas... Elles passent tout près de nous avec leurs ailes craquelées pendant que je croise les doigts de toutes mes forces. C'est bon, elles n'ont pas l'air de nous avoir vu. Les ombres projetées par le jour naissant nous offrent quelques cachettes, c'est plutôt un avantage, cependant je reste sur mes gardes, si les fées criminelles sont ici, cela veut dire que nous sommes tout près de découvrir le repaire secret des forces maléfiques et de comprendre toutes leurs manigances. Nous marchons en nous efforçant d'être les plus silencieux possible mais même comme cela, j'ai l'impression désagréable que quelqu'un, ou quelque chose nous observe. Je scrute les alentours sans rien voir pour autant. Qu'est-ce que cela peut bien être ?

Soudain, j'entends le cri d'alarme de Pitit, Lizzie, sa propriétaire essaie de le faire taire. Qu'a-t-il pu voir ? Je me fige, j'aperçois moi aussi la chose qui l'a terrifié : une grenouille ailée. Une magnifique grenouille jaune tachetée de noir arborant deux grandes ailes à plumes d'or se dresse devant nous, une grenouille taille humaine. Je n'ai jamais particulièrement aimé ces bêtes mais je dois avouer que celle-ci est vraiment belle et gracieuse. Je ne devrais pas dire « elle », je vois bien que c'est un homme, mâle (comment dois-je dire?) rien que par sa posture et son visage. Il s'adresse à nous de sa voix grave mais apaisante :

« Je vous souhaite la bienvenue, vous avez été particulièrement courageux et braves pour venir jusqu'ici. Nous vous attendions.

-Qui êtes-vous ? Et qui sont les autres qui nous attendaient ? demande Lizzie, suspicieuse.

-Je me nomme Antor mais je suis étonné que vous ne vous rappeliez pas de moi mademoiselle, moi je me souviens de vous en revanche, jeune, vous étiez farouche et rebelle si je puis me permettre...

-Vous parlez drôlement bien ma langue, remarqué-je, êtes-vous originaire de la Terre ?

-Mmh... J'y vivais lorsque ma maîtresse y était mais je crains que depuis, votre langue aie changée mademoiselle Célestia. »

Je reste bouche bée, comment peut-il me connaître ?

« Vous... Vous connaissez mon nom ?

-Oh oui, rit-il, j'ai beaucoup entendu parler de vous mais je vous ai aussi beaucoup observé depuis que vous êtes arrivée en Hercaliazie. »

Un déclic se fait dans ma tête :

« C'était vous ! C'était vous qui m'observait partout ! Vous, l'ombre que j'ai vu passer près de l'auberge et dans la ville d'Ebadlose ! Mais pourquoi ?

-Je vois que tu fais vite le rapprochement. Sache que je n'obéis qu'aux ordres. Cependant je te trouve très... étrange comme créature, en même temps ce n'est pas étonnant !

-Que voulez-vous dire ? intervient Lizzie, pourquoi appelez-vous Célestia « créature », je ne vous permets pas !

-Ah mademoiselle Lizzie, je ne peux rien vous dire, seule ma maîtresse le pourrait, d'ailleurs je vous invite à aller la voir, dit-il.

-C'est elle qui nous a envoyé des troupes de forces maléfiques ? Et depuis quand me connaissez-vous ? interroge mon amie.

-Oui c'est effectivement elle, et pour vous répondre, je vous connais depuis que vous êtes née, je vous connais même parfaitement.

-Vous êtes fou. Et pourquoi devrions-nous voir votre patronne ?

-Mais tout simplement parce qu'un des êtres qui vous est cher est avec elle », explique-t-il posément.

Maotys laisse échapper un petit cri, quant à moi, la colère commence à monter, c'est par la faute de cette dame que Myo est mort. Je me sens coincée, d'un côté si nous acceptons de suivre Antor, je ne sais pas ce qui pourrait arriver, surtout si sa « maîtresse » lui a ordonné de suivre le moindre de mes gestes, de l'autre, si nous n'acceptons pas, nous ne retrouverons jamais Élise. De plus, je commence à sentir que nous sommes encerclés de forces maléfiques. Je comprends que derrière l'invitation de la grenouille à ailes d'or se cache un ultimatum : soit nous le suivons, soit nous mourons. Je vois dans l'expression de Lizzie qu'elle a aussi compris le piège.

« Alors, me ferez-vous l'honneur de m'accompagner ?

-Eh bien je crois que nous n'avons pas le choix, nous vous suivons, réponds-je.

-Parfait, nous sommes d'accord. »

Maotys me lance un regard de remerciement, il a dû avoir peur que nous ne retrouvions jamais sa sœur.

Je suis Antor, que va-t-il nous arriver ? Je suis surprise qu'il ne nous ai pas désarmés, j'ai l'impression que selon lui, nous ne représentons pas de menace et après tout, il n'a peut-être pas tort : un jeune homme craignant pour sa sœur, une jeune fille un peu têtue et son suricate et moi, anéantie par la mort de mon chat, je ne vois pas de quoi il pourrait avoir peur. L'étrange grenouille nous entraîne dans la montagne, je fais volte-face, un chat renégat nous suit, je réagis au quart de tour en pointant une flèche sur cette maudite chose.

« Voyons mademoiselle, ne le tuez pas, il est inoffensif, soyez sans crainte, il ne vous fera aucun mal tant que je suis avec vous, assure notre guide.

-Inoffensif !? Une de ces immondes bêtes a tué un de nos amis ! s'exclame Lizzie.

-Et votre chère mère n'est-ce pas ?

-Oui mais... Attendez, comment savez-vous cela ?

-Je vous l'ai déjà dit, je vous connais parfaitement.

-Moi je ne vous connais pas ! C'est encore loin votre truc ?

-Non, nous devrions arriver dans quelques instants », soupire-t-il.

Étrangement, Maotys n'émet aucun commentaire, il se fait sûrement du souci pour Élise, moi aussi, je me demande ce qui lui est arrivé et si elle réussirais à se défendre seule en cas d'attaque. Lizzie, elle, semble de plus en plus inquiète, un pli est apparu sur son front, je vois dans ses yeux un mélange de compréhension et de déni, elle sait sûrement quelque chose sans vouloir le croire. J'aimerais qu'elle puisse me parler mais, avec Antor devant nous, c'est impossible.

« Nous y voilà », annonce-t-il.

Je retiens un hoquet de stupeur, c'est vraiment la caverne de ma vision, cette ouverture béante et obscure, ces mêmes colonnes qui soutiennent la roche, c'est à la fois majestueux et affreux car des centaines de troupes de forces maléfiques grouillent à l'entrée de cette immense grotte. Des chimères, des licornes et des fées criminelles, une quantité extraordinaire de chats renégats et d'autres créatures que je n'ai jamais vues. Certaines ressemblent à de petits dragons, d'autres à des animaux disparus de la Terre depuis bien longtemps, des tigres à dents de sabre. Un frisson me parcoure le corps, nous ne sortirons jamais vivants de cet endroit. Ma vision me revient en mémoire et une question me taraude, Élise était-elle dans ou en dehors de la cage ? Antor me sort de ma réflexion:

« Qu'avez-vous mademoiselle ? Avez-vous peur ? Je vous rassure, tant que vous êtes avec moi, vous ne risquez rien.

-Je sais me défendre seule merci », lancé-je sèchement.

Il m'observe, intrigué et hoche la tête comme s'il se désolait de quelque chose.

« Je n'en doute pas, mais ce serait dommage que vous soyez obligée de vous battre contre nous...

-Je me suis déjà battue contre vous, depuis que je suis ici je me bats contre vous ! rétorqué-je.

-Oh, ne vous énervez pas mademoiselle, je sais très bien de quoi vous êtes capable, vos capacités dépassent l'entendement pour une chose comme vous.

-Qu'entendez-vous par chose ? Je vous signale que de mon point de vue c'est vous qui êtes une créature, d'ailleurs, vous êtes un monstre ! Vous n'hésitez pas à tuer des innocents juste pour votre plaisir, vous êtes immonde ! », hurlé-je.

Le silence s'abat soudain, Lizzie me lance des regards d'avertissements, Maotys est bouche bée et Antor, lui, semble avoir du mal à contenir sa colère, je m'en fiche. La fureur bat à mes tympans, je sens qu'à la moindre parole déplacée, au moindre geste agressif, je serais capable de sortir mon arc et de planter des flèches dans tous mes ennemis, oh oui, cela j'en serais capable. La grenouille retrouve son expression calme et me regarde :

« Je vous en prie mademoiselle, je pense que je me suis mal fait comprendre, ce que je voulais dire c'est que si vous restez près de moi, nos troupes ne vous embêterons pas. »

Je le fusille du regard mais il détourne la tête. Lizzie, elle, pose ses yeux sur moi, elle semble me demander la raison de ma rage, je ne réponds pas à cette interrogation, il y a tellement de choses qui m'énervent ! Premièrement, Élise est prisonnière de ces brutes, deuxièmement, ils ont tué mon chat, troisièmement, je ne fais que de combattre depuis mon arrivée, quatrièmement ce sale espion m'a observée pendant tout mon voyage et maintenant, voilà qu'il nous emmène voir une personne qui est certainement la plus dangereuse d'Hercaliazie, ! J'ai la terrible impression que l'on me manipule depuis le début !

Antor nous mène alors dans l'imposante caverne, tous les yeux sont fixés sur notre petit groupe constitué maintenant de Maotys, Lizzie, Pitit et moi. Que va-t-il arriver maintenant, vais-je retrouver Myo au Royaume des Morts? Curieusement, cette idée ne m'effraie pas au contraire, elle me détend, la seule chose que je regrette est de ne pas avoir vu mes parents une dernière fois.

Je suis machinalement les autres, cette grotte est un dédale de galeries et de chemins en tout genre, je suis horrifiée de voir à quel point les forces maléfiques sont nombreuses. La voûte est haute au-dessus de nos têtes et la température ambiante est moins élevée que dehors.

Toutes les créatures nous laissent passer, sur ce point, la grenouille n'a pas menti. Petit à petit, les galeries se vident et les passages se raréfient, je suppose que nous approchons de cette mystérieuse personne... Je sens mes muscles se tendre de stress, que vais-je trouver dans quelques secondes ? Antor s'arrête devant une porte et se retourne pour nous faire face :

« Nous y voilà, vous allez enfin pouvoir rencontrer ma maîtresse. Elle a hâte de vous voir, surtout toi Célestia... »

D'où vient se tutoiement soudain ? J'en fais la remarque :

« Pardonnez-moi mademoiselle, je ne voulais pas vous offenser mais, lorsque vous entrerez dans cette pièce, ne vous attendez pas à être vouvoyer, ricane-t-il, voyez-vous, ma maîtresse n'attache pas beaucoup d'importance à la notion de respect avec des créatures telles que vous, du moins je suppose, vous êtes la première dans votre genre.

-Que voulez-vous dire, lance Lizzie, dites-le avant que je ne le découvre par moi-même !

-Oh mais je crois que vous avez déjà une idée de qui est cette fille ma petite... »

Elle ne répond pas. J'essaie en vain de croiser son regard mais elle m'ignore. Maotys, lui, ne se montre pas très intéressé par la conversation mais je vois son expression avide devant la porte, pourquoi un tel visage ? Peut-être est-ce l'idée de retrouver sa sœur qui l'enchante mais si je ne le savais pas inoffensif, j'aurais presque peur de lui.

Antor pousse la porte qui coulisse lentement sur ses gonds mais avant qu'elle ne soit totalement ouverte, une voix, plus forte que jamais, fuse dans mon esprit : « N'entre pas dans cette pièce, attention Célestia ! ».

Je titube, abasourdie par ces paroles si puissantes et pourtant si familières, je sais où je les ai entendues, dans mes rêves. C'est exactement la même voix que celle qui m'a presque menacée ! Mais, et si ce n'était pas une menace ? Et si c'était une mise en garde pour me protéger ? Je sors de ma torpeur, tout s'est passé si vite dans ma tête que la porte vient juste de s'ouvrir. J'ouvre de grands yeux, devant moi se trouve une grande cheminée blanche, un beau salon aux couleurs chatoyantes et aux murs parcourus de fresques comme il y en avait dans le palais de Lizzie, un lit gigantesque, une table et des chaises. La seule chose qui vient ternir cette scène est une autre porte, dans un coin de la pièce, je devine qu'elle a été taillée à même la roche mais sa couleur grise et sa pierre usée tranchent avec le reste.

Soudain, une grande ombre fond sur moi. Je pousse un cri de stupeur, qu'est-ce qui m'attaque ?!

Je me débats du mieux que je peux mais impossible de me libérer de cette poigne de fer qui me prend par le bras, comme si j'étais un vulgaire chaton. Cessant de me tortiller dans tous les sens pour lui échapper, je regarde mon agresseur, c'est une grande et mince femme aux yeux et aux cheveux noirs. Son visage ne m'est pas inconnu et pourtant je ne parviens pas à me rappeler de qui elle est. Elle dégage une impression de pouvoir, de richesse et de splendeur incroyable. La brutalité dont elle fait preuve sur moi ne correspond pas du tout au visage doux qu'elle arbore fièrement. Elle s'adresse également d'une voix chaleureuse à la grenouille :

« Merci de me l'avoir amenée mon cher conseiller.

-C'est avec grand plaisir que je vous sers ma maîtresse.

-Bien, tu peux rester si tu le souhaites.

-Merci madame. »

Tout à coup, Lizzie se met à hurler :

« Vous ! Comment avez-vous pu ?!

-Je t'en prie Lizzie, c'est bien cela n'est-ce pas, ne sois pas choquée, je vais t'expliquer, ensuite, tu vas te rallier à ma cause car tu vas enfin comprendre que le monde qui t'entoure est plein de trahisons.

-Jamais !

-Ne sois pas si stupide, écoute-moi d'abord. »

Elle ne dit rien, je me fais la réflexion que la conversation a lieu en parfais français alors qu'elle aurait très bien pu être en hercalien, l'immense dame doit vouloir que je comprenne... Son bras me sert de plus en plus fort, elle le sert tellement que mon sang ne circule plus jusqu'à ma main. Mais qui est-elle pour se permettre de me toucher d'abord ?

Elle semble prendre conscience de ma présence et annonce :

« Nous devrions descendre. »

Comme pour joindre sa parole à son geste, elle passe la porte en pierre et me traîne dans un escalier, arrivée en bas de celui-ci, elle me jette violemment à terre dans une cave froide, sale et humide. Là, je tombe sur un spectacle hors du commun, une scène que j'ai déjà vu dans ma vision. Une énorme cage enfermant un corbeau de ma taille et une louve trône dans le coin le plus sombre de la grotte. Une personne manque cependant au tableau, Élise. Je scrute les environs, aucune trace de mon amie. La grande dame reprend la parole :

« Maotys, mon petit Maotys, ta sœur devrait bientôt arriver. Surveille-la bien, je la trouve de moins en moins obéissante et je ne voudrais pas qu'il arrive un malheur.

-Bien madame », répond-il en s'inclinant.

À quoi joue-t-il ? Mon cerveau invente mille et une raisons pour expliquer son comportement mais au fond de moi je sais pour qu'aucune n'est plausible, simplement, je ne veux pas l'admettre. Lizzie jette un regard mi-déçue mi-fâchée au jeune homme :

« Tu obéis à cette femme depuis le début ?! Traître ! Tu n'es qu'un sale menteur ! Toi et ta sœur je vous hais ! »

Je mets un certain temps à réagir à ce qui se passe devant mes yeux, Maotys et Élise seraient à la solde de cette femme ! Non, je ne veux pas le croire ! Je les connais depuis mon arrivée en Hercaliazie, ils m'ont accueilli, logé, nourri et accompagné dans toutes mes aventures ! Je ne peux pas concevoir une trahison de leur part et pourtant, pourtant... Une petite voix me souffle que c'est ce qui est en train de se passer et la mise en garde de mes rêves me revient : Abandonne petite, abandonne cette quête ou ce sort sera le tien. Tu mourras et tes amis avec. Abandonne. Et méfie-toi des ennemis qui t'entourent. Méfie-toi des ennemis qui t'entourent... Je comprends maintenant elle voulait parler de la face cachée de mes deux amis et je ne l'ai pas écoutée, je l'ai prise pour une menace, qu'elle idiote non mais qu'elle stupide fille je fais ! Ce n'est pas le moment de rêvasser et de me lamenter sur mon sort, je fixe Maotys dans l'espoir qu'il contredise mes pensées mais il détourne la tête et répond à Lizzie :

« Pourquoi un traître ? J'obéis à ma maîtresse comme tu te dois d'obéir à ton père. Crois-tu que nous aurions survécu dans ce monde ma sœur et moi sans elle ? Crois-tu que nous serions encore vivants si elle n'avait pas été là ?

-Tu me dégoutes, dit la fille rose.

-Évidemment toi tu ne peux pas comprendre ! Tu ne comprends rien, tu vis dans la richesse et le luxe depuis toute petite, tu n'as jamais connu la misère. Moi je n'ai fait que mon devoir, j'ai amené Célestia là où il le fallait, pour qu'elle soit enfin face à son destin. Sans moi elle aurait pris de mauvaises décisions, sans moi elle ne serait jamais arrivée jusqu'ici.

-Oui mon petit, tu es un parfait influenceur », affirme la femme.

Mes déductions étaient donc vraies. Je sens un profond désespoir monter en moi, comment a-t-il pu ? Cet acte est comme une griffe qui vient se planter dans mon cœur, elle y restera pour toujours.

« Tu l'as menée à la mort espèce d'imbécile ! rugit Lizzie.

-Eh bien elle ne causera plus jamais de tort à quelqu'un, tu ne te rends pas compte de ce qu'elle est ! De toute façon, ajoute-t-il en retrouvant son calme, ma maîtresse est l'une des déesses les plus puissantes de ce monde, elle l'aura bientôt à ses pieds et elle me renverra chez moi avec Élise, c'est ce que nous désirons le plus, la liberté ! »

Une déesse ? Cette femme est donc une déesse, c'est pour cette raison qu'elle exerce un tel pouvoir. Je cherche dans ma mémoire, dans les livres que j'ai lus au palais d'Hercalias et lors de mon audience avec les dieux. Qui est grande, mince aux cheveux noirs arrivant aux épaules et aux yeux de cette même couleur ? Qui a un visage aussi doux et une voix aussi chaleureuse ? La réponse me vient instantanément : Isis. La déesse égyptienne la plus protectrice et la plus maternelle qui soit m'en veut particulièrement. Mais pour quelle raison ?

En réfléchissant, je regarde machinalement autour de moi, je suis libre de mes mouvements maintenant qu'Isis m'a lâchée. Mes yeux se posent sur la cage. Le corbeau a les plumes décharnées et la louve est couchée sur le côté, haletante. Les deux sont exténués. Je me demande pourquoi on les a enfermés.

Isis surprend mon regard fixé sur cet étrange spectacle et m'agrippe encore plus violemment que la première fois. Elle me projette sur le sol dur et mon corps le heurte si fort que ma tête en vibre. Lizzie pousse un cri de terreur. Tout va bien, je crois que je n'ai rien de cassé. La déesse, elle, semble furieuse :

« N'ose même pas penser à les sauver !

-Qui sont-ils ? demandé-je, même si je ne devrais pas parler.

-Ne fais pas l'innocente ! Tu sais très bien qui sont ces personnes ! »

Antor, son conseiller, murmure alors des paroles presque inaudibles :

« Madame, si je puis me permettre, je ne pense pas que la jeune fille sache à qui elle a affaire.

-Toi mon bras-droit tu me contredis ?

-Je ne me permettrais pas madame mais elle ne doit pas les connaître, comment ce pourrais-ce, elle ne se connaît même pas elle-même.

-Moui, tu n'as pas totalement tort, excuse-moi Antor.

-Alors, osé-je, qui sont ces animaux ? Vous pouvez bien me le dire non ? Après tout je vais mourir n'est-ce pas ? »

Je tente le tout pour le tout, quitte à me faire tuer, autant en savoir le plus possible.

« Mais voyons c'est évident, ces deux animaux sont en fait des dieux, comme moi mais beaucoup plus faibles maintenant qu'ils ont perdu leur liberté. Vois-tu, je les ai fait kidnapper tous les deux dans leur sommeil, ils pensaient être en sécurité, je n'ai jamais côtoyé de personnes plus naïves. Ces deux dieux ont fait quelque chose d'impardonnable et si les autres l'apprenne, je serais déshonorée, répond Isis d'une voix remplie de haine.

-Artémis et Osiris, soufflé-je.

-Exactement Célestia, tu fais vite le rapprochement, Antor ne m'a pas menti. Mon cher frère et mari et cette pimbêche d'Artémis sont désormais réduis à deux animaux mourants. Sais-tu comment tuer un dieu ? Je vais te le dire, il faut les épuiser de façon à ce que toute leur essence divine disparaisse, ainsi ils redeviennent de simples mortels. Ensuite, il n'y a plus qu'à les détruire et lorsqu'ils sont morts, ils n'existent plus, pas même dans les mémoires. C'est cruel, vicieux et extrêmement douloureux. Parfait pour des traîtres.

-Pourquoi faites-vous une chose pareille ? Vous êtes l'une des déesses les plus compatissantes comment pourriez-vous tuer vos proches, s'exclame Lizzie. En plus, autrefois vous avez sauvé Osiris de la mort et des griffes de Seth. Pourquoi ?

-Oui c'est vrai, il y a longtemps, quand les dieux égyptiens régnaient encore sur leur royaume, au temps des pharaons, j'ai redonné la vie à Osiris. Lorsque Seth, notre frère s'est emparé du pouvoir sur la plus belle partie de l'Égypte, lorsque pour parvenir à ses fins il a découpé mon mari et l'a jeté dans le Nil, j'ai eu la bonté de retrouver son corps, de lui redonner la vie et de lui faire un enfant. Horus le divin, le digne héritier de notre royaume, a ainsi battu Seth et rétabli son pouvoir. Depuis lors, c'est lui qui gouvernait le monde des vivants et son père, Osiris, celui des morts. À cette époque, nous étions seuls avec le reste du panthéon, j'aimais d'un amour passionnel mon époux et mon fils mais un jour, les égyptiens ont cessé de croire en nous, ils nous ont chassé et nous avons été obligés de nous retirer en Hercaliazie. Peu de temps après, à l'échelle d'un immortel bien sûr, ces fichus dieux de l'Olympe ont débarqué et ce fut la guerre. Et puis un jour nous avons décidé de faire la paix et de nous unir, quelle erreur !

-C'est pour cela que vous avez organisé une rébellion ? Parce que vous voulez reprendre la guerre ? demande Lizzie, tremblante de colère.

-Moi, organiser une rébellion ? »

Isis éclate d'un rire cristallin et reprend :

« Mais voyons, je n'organise pas de choses de ce genre.

-Alors pourquoi y a-t-il autant de forces maléfiques dans votre bâtiment ? demandé-je.

-Ah, c'est tout simplement qu'en échange de leur aide, je devais leur procurer tout le pouvoir pour organiser une guerre contre les dieux, mais, moi, je n'y participerais pas.

-Alors pourquoi demander leur aide si ce n'est pour dominer le monde ?

-Pour te détruire petite Célestia, pour te détruire. »

A suivre... 

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