Célestia revient... et la FIN approche à grands pas ! Le Monde de Verlaine suit avec passion les aventures de la jeune héroïne de Maëlys Cosson et appréhende de connaître le sort qui lui sera réservé. Bonne lecture !
CHAPITRE 13
« QUOI !?
-Je suis désolé, vraiment désolé... »
Elle était furieuse. Son conseiller lui avait assuré quelque temps auparavant que son plan allait marcher. Il piétinait.
« Où est la chimère ?
- Morte maîtresse. Elle a été tuée par la fille du transmetteur.
- J'avais donné des ordres, elle ne les a pas suivis. Elle est morte. Tant mieux. Une lâche n'a pas sa place dans nos rangs.
- Certainement maîtresse.
-Cependant, assure-toi que nos forces gardent le silence sur nos petits secrets. Cette chimère en a déjà trop dit.
-Ce sera fait maîtresse. »
Son conseiller partit. Contrairement à ce qu'elle pensait, donner des ordres précis ne l'avait pas détendu, c'était même le contraire, sa colère s'était encore accrue. Elle était entourée de lâches, sauf peut-être son bras-droit, dont elle voyait l'ombre s'éloigner. C'était lui qui l'avait aidée, lui qui se démenait maintenant pour réussir leur coup. Elle soupira. Ce petit groupe commençait sérieusement à l'énerver. Tout ce qu'elle voulait, c'était attirer l'Autre dans son piège, pas une jeune fille aussi importante que la petite du transmetteur et ses amis. Que devait-elle faire ?
La solution était toute trouvée. Elle devait utiliser ses derniers recours pour la faire fuir. Néanmoins, elle ne tenait pas à faire de la peine à cette adolescente, elle avait déjà vu cette petite et elle éprouvait un sentiment qui se rapprochait de la compassion pour elle. Malheureusement, elle n'avait pas le choix, il fallait que la fille parte.
Non, je ne veux pas mourir ! Je me redresse, haletante. Encore ce rêve et cette voix qui me met en garde : « Abandonne petite, abandonne cette quête ou ce sort sera le tien. Tu mourras et tes amis avec. Abandonne. Et méfie-toi des ennemis qui t'entourent. ».
Cette fois, je suis certaine que cette voix est celle d'un homme. Qui est-ce ? Pourquoi me menace-t-il ? Il a l'air d'en savoir beaucoup sur ma quête et moi. Mais qui est-ce donc ?
Je regarde autour de moi, pas un bruit ni un mouvement dans la grotte, mes compagnons ne sont pas encore réveillés.
Je réfléchis intensément à l'énigme qui plane au-dessus de notre quête. J'essaie d'additionner le contenu de ce rêve avec les informations fraîchement découvertes et d'obtenir un résultat plausible, une hypothèse qui pourrait se révéler juste, un peu à la manière d'une équation.
Réfléchis Célestia, un dieu et une déesse disparus, des forces maléfiques qui se rebellent, une mystérieuse « maîtresse », tout cela donne ma quête, les forces maléfiques qui m'attaquent et une menace de mort vraisemblablement prononcée par un homme. Réfléchis...
Bon, les forces maléfiques m'attaquent parce que je m'intéresse d'un peu trop près à leurs activités, cela c'est la partie la plus facile à comprendre. Maintenant, leurs activités seraient régies par une « maîtresse », sûrement cheffe de toutes ces créatures. Bien évidemment c'est une femme, sinon on l'appellerait « maître », à moins que ce ne soit pas un être humain ?
Aussi, un homme m'a menacée de mort, sans doute pour la même raison que l'on m'attaque.
Il reste à placer les deux dieux, Osiris et Artémis.
…
Un dieu et une déesse. Un homme et une femme.
Mais bien sûr !
Et si Artémis était cette fameuse « maîtresse » . J'y avais déjà pensé mais en approfondissant encore cette réflexion et en ajoutant les nouvelles informations, je parviens encore à cette solution.
De plus, c'est une voix d'homme dans mon rêve. Et si c'était Osiris ? Plus j'y pense, plus cela me paraît évident. Je suis persuadée que c'est là que se cache la clef du mystère ! C'est finalement simple, les deux dieux ne sont pas les victimes d'une rébellion, ils en sont les instigateurs !
Mais, si j'en suis arrivée à cette conclusion, les autres dieux le peuvent également non ? Ne sont-ils pas censés avoir une toute puissance sur ce monde ?
Ils n'ont pas les informations que je possède et ils ne se méfient sûrement pas de deux de leurs confrères, ils doivent penser à un kidnapping ou à un meurtre. Non pas un meurtre... ils sont immortels.
Tout cela est très étrange tout de même, pourquoi des dieux voudraient se battre contre d'autres dieux ? Ils se mèneraient à leur propre perte. Ou bien ils seraient les seuls à régner. Un liquide glacé coule le long de mon dos, je suis essoufflée. Ai-je tellement réfléchi que mon corps est épuisé ?
Je me lève et m'étire, en même temps, quelle idée de se retourner le cerveau au réveil !
Tiens, je n'ai plus de courbatures, je suppose que ce doit-être parce que je prends l'habitude des courses-poursuites et des combats... Je me rapproche de l'entrée de la grotte, il y fait plus chaud ici grâce aux rayons de soleil qui s'infiltrent par le trou. Je sens mon corps se réchauffer, ce que cela fait du bien après une nuit glaciale !
Je sors de mon sac de quoi nourrir toute la compagnie, viande séchée, fruits en tout genre, biscuits... Maintenant, je dois allumer un feu, j'ai déjà vu comment Lizzie s'y prenait mais je n'en ai jamais fait moi-même, c'est le moment d'apprendre. Normalement, elle sort deux pierres de son sac, les frottent pour avoir quelques étincelles et s'arrangent pour que le feu prenne dans quelques brindilles, ensuite, elle rajoute du bois. À mon tour.
Comme je ne vois aucune roche pareille à celles de Lizzie, je décide de fouiller dans son sac (je sais c'est très malpoli mais elle dort et j'ai faim, on ne lui dira pas... n'est-ce pas ?).
Elle a emmené énormément de choses, des cordes, des remèdes, de quoi manger, boire et tout le nécessaire pour une expédition de plusieurs mois. Rassurant... Je trouve enfin les deux cailloux et un peu de bois, je referme le sac et le pose près de sa propriétaire. La fille rose dort profondément et paraît apaisée, le sourire aux lèvres. Comment peut-elle avoir subi des moments atroces comme la mort de sa mère ? Ce n'est pas juste !
Je pose le bois sur le sol et commence à frotter les pierres entre elles. Des étincelles fusent aussitôt et bientôt, un feu joyeux brûle devant moi. Impressionnant ! Je pensais devoir m'y prendre plusieurs fois pour y arriver mais en une seule tentative, j'ai obtenu le résultat. Pas mal !
Les autres commencent à s'agiter. Peut-être grâce à l'odeur du petit-déjeuner ? En tout cas, ils ne tardent pas à venir s'installer et commencent à manger avec appétit. Nous racontons à Maotys le cours des événements de la veille ainsi que sa guérison miraculeuse. Il paraît impressionné par celle-ci mais surtout par l'endroit spectaculaire où nous nous trouvons. C'est vrai que c'est magnifique ici.
Une fois que nous avons tous terminé, je me pose une question : qu'allons-nous faire désormais ? J'en fais la remarque à mes compagnons mais personne ne répond. Au bout d'un moment, Maotys tente :
« Nous pourrions essayer de suivre la trace des licornes et des fées...
- Impossible, répond Lizzie, il y eu une tempête de sable cette nuit, tous les indices d'un quelconque passage se sont effacés et la chimère qui nous servait de « guide » si je puis me permettre, est morte.
- Ah...
- Quelqu'un se souvient de la direction qu'elle prenait lorsque nous la poursuivions ? Je ne parviens pas à me la remémorer, demande la jeune fille.
- Bonne idée, nous devrions suivre cette même direction. Je crois que c'était vers les montagnes.
- Tu as raison Maotys, réponds-je, malgré un très mauvais pressentiment, nous devons aller voir ce qui se trame dans ces montagnes. »
Nous nous plongeons tous dans nos pensées. Notre quête se terminera-t-elle aux confins de ce monde ? Si proche de l'univers ? Comment se finira-t-elle ? Autant de questions laissées en suspens dans ma tête.
J'ai l'impression qu'Élise ne va pas très bien, son comportement est étrange, je la sens anxieuse, angoissée. Ses doigts s'animent nerveusement et elle fuit mon regard. Que se passe-t-il ? Parfois, j'aimerais tellement pouvoir lire dans les pensées des personnes qui m'entourent... Je sens aussi qu'elle ne veut pas parler, si c'est le cas, je respecte son choix, cependant, je suis à sa disposition si elle a besoin de moi.
Je me concentre sur autre chose, la remontée dans le désert. J'observe la pente, elle est rude mais de nombreuses prises peuvent nous permettre de nous hisser vers la lumière. Je repère le chemin le plus facile et m'y engage, montrant ainsi la voie aux autres. Ce n'est pas compliqué mais mon arc mon carquois et mon sac (avec Myo dedans, évidemment...), limitent mes mouvements. En quelques minutes, me voilà de nouveau dans la chaleur ardente. Le choc thermique est brutal, je m'étais habituée à la fraîcheur perpétuelle, je suis maintenant retournée dans la fournaise du désert.
Une fois que tout le monde est ressorti de notre cachette, je demande à Maotys de passer en tête de notre petit groupe, puisque c'est lui qui a eu l'idée de partir dans les montagnes, parce que je veux surveiller nos arrière, mais surtout pour garder un œil sur Élise qui m'inquiète. S'est-elle encore disputée avec son frère ? Je le pense, mais quand ? Le jeune homme nous mène d'un bon pas entre les rochers, allant droit devant, suivant la direction des cimes aux pics enneigés et ne semble pas remarquer ce qui me saute aux yeux.
Les rochers saillants du sable sont de plus en plus nombreux et de moins en moins éparses. C'est une bonne chose, après tout ce temps à découvert, ces cachettes sont les bienvenues même si les ombres menaçantes de ces gros cailloux me mettent un peu mal à l'aise (ne vous méprenez pas, je n'ai ni la phobie, ni une quelconque peur vis-à-vis des cailloux. Il n'empêche que ceux-là sont assez imposants, et... bref, non, je n'ai pas peur des cailloux.).
Le ciel est d'un bleu profond et les montagnes dessinent des formes étranges dans celui-ci. Elles paraissent si proches mais en même temps si loin... Je me demande dans combien de temps nous arriverons. Et quand nous y serons, qu'allons-nous y faire ? C'est vrai, nous ne savons pas du tout ce que nous allons y trouver, peut-être même qu'il n'y a rien là-bas et que nous faisons fausse route tandis que les forces maléfiques se préparent à la guerre.
Le sable me colle aux pieds, le soleil m'éblouit, j'ai chaud, j'ai soif et je me sens sale. En bref, rien ne va. Nous faisons une pause à l'ombre d'un de ces maudits rochers. Toutes les personnes présentes ont l'air épuisées et Myo demande :
« C'est encore loin ?
- Aucune idée, répond Maotys.
- Tu sais Myo, dans le désert les distances sont souvent trompeuses, on a l'impression qu'un endroit est à une dizaine de kilomètres mais il s'avère qu'il se trouve bien plus loin, explique Lizzie, en tout cas moi, le chemin vers ces montagnes, je n'en vois pas le bout.
- Pauvre chou, ricane Maotys.
- Pardon !?
- Arrête un peu de te plaindre, tu me fatigues, continue-t-il.
- Je te préviens, si tu veux m'énerver continue dans ce sens mais je te le déconseille, ce serait mauvais pour ta petite santé fragile, réplique la jeune fille.
- Moi fragile !? Je crois qu'on se trompe de personne mademoiselle la future transmetteuse, ce n'est pas moi qui me plains toujours !
- Ah oui ? Qui t'a ramassé lorsque les licornes et les fées ont attaqué ? Tout ça parce que monsieur a voulu rattraper son épée !
- Au moins j'ai combattu, je ne me suis pas enfui comme certaine, je ne suis pas un lâche moi !
- Je suis impressionnée par ta loyauté, tu es sûr de n'avoir rien à te reprocher ?
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu as un accent si prononcé que je ne comprends rien !
- Qu'est-ce qu'il a mon accent, il te déplaît peut-être ?!
- STOP !!! interviens-je, ça suffit vous deux, j'en ai plus qu'assez de vos disputes, si ça vous plaît, allez vous chamailler ailleurs ! Je vous rappelle que nous sommes dans une quête ultra-dangereuse et la seule chose que vous trouvez à faire c'est vous disputer !? Nous avons failli mourir je ne sais combien de fois, à vrai dire, j'ai arrêté de compter ! Nous devons rester soudés et nous épauler si nous voulons vivre. Maotys, Lizzie t'a sauvé d'une mort certaine en te portant et en te cachant, arrête de la provoquer et respecte-la un peu. Lizzie s'il-te-plaît, ne répond pas aux provocations et ne démarre au quart de tour dès que quelque chose ou quelqu'un t'agace. Bon sang arrêtez un peu vos enfantillages ! »
Les deux se taisent et me fixent, je peux sentir et voir toutes les émotions dans leurs yeux : pour Maotys de la colère, mais aussi de la compréhension et... de la peur ? Pour Lizzie, c'est différent : de l'étonnement, un léger stress et surtout une grande dose de mépris. Pas envers moi, envers le jeune homme. Quelque chose change dans son regard, elle réfléchit et petit à petit, le mépris fait place à une indifférence totale.
Je suis intervenue au moment le plus tendu, Lizzie a encore fait une allusion à quelque chose qui m'échappe totalement et cela ne me plaît pas du tout. Quoi qu'il en soit, nous reprenons la route et cette fois, c'est moi qui mène le groupe. Je sens encore de la tension dans l'air, ils ne disent rien, parce que je le leur ai demandé mais je sais qu'à la moindre occasion, le conflit reprendra. Ils se jettent parfois des regards et détournent leurs têtes dès que l'un voit l'autre. Une image me traverse l'esprit et je manque de pouffer de rire : j'imagine ces deux-là en couple... Non définitivement ce serait à mourir de rire, j'ai de ces idées parfois !
Nous continuons notre marche en silence jusqu'à la tombée de la nuit et décidons d'avancer jusqu'au pied des montagnes, autant profiter de l'absence d'ennemis pour le moment. Je devrais être optimiste par rapport à ceci mais, je ne sais pas pourquoi, je ne peux m'empêcher de penser à cette expression : « le calme avant la tempête ». J'ai un mauvais pressentiment et si j'ai bien appris une chose de mes aventures, c'est d'écouter mon instinct. Plus les cimes se rapprochent et plus ce sentiment s'accroit. C'est pour cette raison que je me tiens sur mes gardes, arc en main et sens en éveil. Pourtant, rien, le calme plat. Les rochers qui nous entourent se font de plus en plus hauts et bientôt, la première montagne se dresse devant nous, majestueuse, inexplorée, dangereuse. Nous cherchons un endroit assez abrité pour passer le reste de la nuit mais n'en trouvons : les rochers n'offrent pas de cachette parfaite, trop à découvert, trop petit...
« Nous n'avons qu'à nous mettre quand même ici, de toute façon, tout est calme, il ne va rien nous arriver, propose Maotys, en plus, je suis crevé.
- Je suis d'accord, arrêtons-nous là Cel, approuve Myo.
- Mais, nous ne sommes pas protégés en cas d'attaque et...
- Oh, s'il-te-plaît... Tu vois bien qu'on ne risque rien, si tu veux on peut faire des tours de garde mais je ne supporte plus de marcher, insiste le jeune homme.
- Bon très bien, cédé-je, mais je veux des tours de garde par deux. »
Mon petit groupe pousse des exclamations en signe de protestation. Je me montre intransigeante ; je comprends qu'ils soient exténués mais s'il arrivait quoi que ce soit à l'un d'eux, je m'en voudrais à jamais. Et j'ai envers ces montagnes une aversion grandissante sans savoir pour quelle raison. Maotys choisit alors le coin le plus approprié devant cette pente qui montre le commencement des hautes cimes.
Cet endroit est presque entièrement à découvert.
Mauvais.
Comme je suis la moins fatiguée, je décide de prendre le premier quart avec Lizzie et laisse Maotys se reposer.
Rien ne vient perturber le silence de la nuit, pas un oiseau ni une quelconque forme de vie si ce n'est les respirations paisibles et régulières de mes amis. La montagne est froide, dépourvue d'arbres, de plantes, rien que des rochers, hérissés comme des épines. Je l'observe longuement. Rien ne bouge mais je sens une certaine tension derrière ce calme, le calme avant la tempête. Non. Il n'y aura pas de tempête, du moins, je l'espère. J'ai demandé à ce que l'on parte à l'aube car je n'ai aucune envie de rester ici plus longtemps.
Lizzie est près de moi mais nous regardons dans deux directions opposées afin d'avoir une vue panoramique sur ce qui nous entoure. Est-ce que Maotys fera de même avec sa sœur ? J'en doute. À mon avis, il sous-estime le danger. Si nous approchons de la vérité concernant l'organisation de la rébellion des forces maléfiques, ces-dernières ne se laisseront pas faire. Je suis terrorisée en pensant à ce qui nous attend. Nous avons déjà fait face à une troupe de chimères et à une autre de licornes et de fées criminelles, je me demande si les aventures qui nous attendent, car il y en aura certainement, seront aussi effrayantes et risquées. Peut-être qu'elles le seront même plus encore... Oui, je suis terrorisée. Cependant, j'ai mis en place toutes les protections possibles cette nuit : des tours de gardes par deux et les armes à portée de main, alors pourquoi ai-je si peur ?
Lizzie me tape sur l'épaule et chuchote :
« Cel, c'est au tour d'Élise et de Maotys...
- Tu penses ?
- Sûrement on doit être au milieu de la nuit et je ne peux plus rien surveiller à cause de la fatigue.
- D'accord, c'est à leur tour. »
Je détends mes jambes endolories et me lève. Je sens que le réveil du jeune homme va être dur.
Effectivement, Maotys grogne et essaie en vain de se rendormir. Voyant mon air contrit devant ce spectacle, Lizzie décide d'agir. Elle le secoue comme un prunier en lui ordonnant de se réveiller.
Bon, je pense qu'elle peut se débrouiller seule, je vais me charger d'Élise. En arrivant près d'elle, je remarque une chose : la jeune fille pleure dans son sommeil. Ses yeux fermés sont baignés dans un flot de larmes. Pourquoi ?
Je reste figée ainsi ; la vue d'un de mes amis dans cet état, même en dormant, me laisse abasourdie. Est-ce de ma faute ? Parce que la quête est très difficile et extrêmement épuisante ? Ai-je fait quelque chose de mal ? J'ai vu qu'elle n'allait pas bien et je ne lui ai pas parlé, aurais-je dû ? Pourquoi ne l'ai-je pas fait ?
Maotys me sort de ma torpeur en parlant à Lizzie :
« Lâche-moi ! »
Enfin en parlant... Plutôt en criant en fait.
Élise se réveille, sèche ses larmes en un geste habitué, se lève et rejoint son frère pour prendre son tour de garde.
Depuis le petit coin où je suis allongée, je peux voir mes deux amis. La chevelure blonde du garçon a bien poussé depuis que je suis arrivée en Hercaliazie avec Myo. Depuis combien de temps sommes-nous ici ? Que se passe-t-il sur Terre ? Me cherche-t-on ? Sûrement. Je sens la fatigue embrumer mon cerveau et mes paupières deviennent de plus en plus lourdes. Je m'endors doucement en pensant à mon monde avec nostalgie.
Je suis dans une pièce obscure où des centaines de cadavres parsèment le sol. Au fond de moi, je sais que je fais de nouveau ce rêve atroce. Le même point rouge m'attire. Je m'approche jusqu'à le toucher, là, je tombe dans cette spirale infernale et j'atterris lourdement sur le sol. Je suis coincée dans une fresque. Des dieux, des héros y figurent. Je cherche à me réveiller sans succès. Je me vois, tombant dans les profondeurs d'un sombre puits. Je suis morte.
La même voix glacée me murmure : « Abandonne petite, abandonne cette quête ou... »
Un hurlement coupe ces paroles et me réveille.
Je laisse mes yeux fermés. Ce cri, était-il dans mon songe ou dans la réalité ?
Le bruit déchire de nouveau la nuit. Non, je n'ai pas rêvé.
Je me lève, tous les sens en éveil, arc en main, suivie de Lizzie, Myo et Pitit. Que se passe-t-il ?
Maotys m'explique qu'il s'était endormi et que, comme moi, il venait de se réveiller.
Je regarde autour de nous sans rien voir au début. Petit à petit, mes yeux s'habituent à l'obscurité et...
Oh non.
Une horde de créatures d'assez petite taille à l'air féroce nous encercle. Je force encore un peu plus ma vue, un pelage d'épines, de longues griffes acérées. Elles ressemblent vaguement à des chats aux moustaches frisées... des chats renégats !
Je vois Lizzie défaillir, nous ne pourrons pas compter sur elle cette fois-ci. Je vois également les autres figés. Les bêtes, elles, s'agitent et je comprends que nous n'avons pas d'autre choix que de fuir. Je prends le bras de Lizzie et ordonne aux autres de me suivre. Je les mène le plus loin possible dans les montagnes sans penser à nos affaires restées sur place. Tant pis, nous avons plus urgent à faire, comme sauver nos peaux par exemple.
Les chats renégats ne sont plus derrière nous, les avons-nous tous semé ? AAAAH ! Il y en a tout un groupe devant nous ! Et de tous les côtés ! Nous sommes encerclés et cette fois, il n'y a plus d'échappatoire possible. Nous sommes cernés. Je ne bouge plus, comment s'en sortir ? Si je fais un geste, ils vont nous attaquer. Comment s'en sortir ? Le plus grand des chats avance tranquillement vers nous. Que va-t-il faire ? Il me dévisage de la tête aux pieds, dans une expression impassible, mais c'est à Lizzie en une langue qu'elle peut sûrement comprendre, qu'il s'adresse. Il se tait un moment et, cette fois, il me parle dans un parfait français, d'une voix très grave et rocailleuse :
« Je crains que votre traductrice ne soit pas en mesure de vous rapporter mes paroles... c'est regrettable. »
Je remarque que Maotys essaie de capter mon regard, épée en main, il est prêt à attaquer. Je ne sais pas si je suis d'accord ; les bêtes sont en bien plus grand nombre et sont sûrement bien plus fortes que nous. Avant même que j'ai terminé ma réflexion, le jeune homme passe à l'action. Obligée de suivre le mouvement, je décoche mes flèches avec une rapidité certainement acquise dans mes nombreuses aventures. Le chef de la bande retourne dans ses rangs et ordonne à ses troupes de nous attaquer en retour. Les formes se mélangent autour de moi, je tire des flèches dans tous les sens sans
même savoir si elles arrivent à toucher leur cible. Un des chats se rue sur moi. Je commence à comprendre la raison pour laquelle Lizzie en a si peur : leurs assauts, leur violence et leurs techniques de combat sont bien plus évolués que ceux des chimères, des fées ou des licornes criminelles. Le chat continue ses attaques. Ses griffes et les épines qui lui servent de pelage me frôlent à chaque rapprochement. Je tente une feinte. Je mime de me décaler à droite, la bête me suit, je profite de son déséquilibre pour me déporter à gauche et lui planter une flèche dans le dos. Je tourne la tête, Lizzie paraît incapable de se défendre, elle se fait griffer le dos sans même esquisser un mouvement, les yeux exorbités. Pitit, son suricate, essaie d'éloigner ses agresseurs. Je cours vers elle pour l'aider mais un chat renégat me tombe dessus. Nous roulons dans les cailloux en nous battant comme des diables. Je suis sur le point de l'emporter mais un de ses alliés vient à sa rescousse. Désormais, je suis seule contre deux forces maléfiques extrêmement puissantes. Je parviens tout de même à éviter la plupart des coups et, entre deux esquives, j'aperçois les yeux jaunes du chef de la bande détailler tous mes mouvements. Je m'extirpe d'entre mes deux adversaires mais un troisième se joint à eux. Il s'avance dangereusement et cette fois, je sais que je ne pourrais plus me défendre. C'est alors que je le vois, Myo. Il se jette sur mon nouvel adversaire avec toute la hargne dont il puisse faire preuve pour me protéger. Je suis son combat de loin, toujours en me battant contre mes deux ennemis. Quand soudain, mon petit chat est projeté contre les rochers avec une incroyable violence. Non ! Il se relève quelques secondes plus tard, sonné mais en vie, ouf. Malgré cela, son adversaire, trois fois plus gros et féroce que lui se jette dessus et le mord, sans lui laisser aucun répit. Je peux ressentir à distance la douleur de Myo. Le sang gicle sur la montagne et le pelage de mon chat prend une teinte rouge. Mais il n'abandonne pas. Il riposte. Le chat renégat le mord de nouveau et cette fois, lui tranche la jugulaire.
NON !
Le corps inerte de Myo retombe mollement sur le sol.
NON ! NON ! NON !
Le temps semble s'arrêter autour de moi, c'est impossible, pas lui, pas Myo ! Pas celui que j'ai recueilli, soigné, adopté. Pas celui avec qui j'ai vécu et survécu. C'est impossible !
Mes ennemis profitent de mon état de choc pour me terrasser.
Non ! Ce n'est pas possible !
Je sens une grande fureur monter en moi et prendre la place du traumatisme. Ont-ils osé ? Ont-ils seulement osé tuer mon chat, mon Myo ? Ma fureur s'intensifie, ce n'est pas une fureur aveuglante, non, plutôt une fureur froide, dénuée de tout autre sentiment. De la colère à l'état pur.
Je me redresse et laisse mon instinct me guider. C'est terminé, je ne réfléchis plus, si je le fais, le désespoir me rattrapera et ce sera la fin. Qui sont ces créatures venues de nulle part, qui sont-elles pour nous attaquer ? Qui sont-elles pour semer la mort ? Qui sont-elles pour tuer les personnes que j'aime ? Qui sont-elles pour lancer des hordes de troupes contre moi ? Savent-elles simplement à qui elles ont affaire ? Elles vont le payer. Je le jure sur ma vie, je vais briser les leurs. Je les poursuivrais jusqu'à leur mort. Je serais sans pitié avec ces assassins, ceux qui ont osé tuer Myo.
Mes flèches atteignent toutes leurs cibles. Plus ma rage s'intensifie, plus elles sont rapides et précises. Je sens la panique dans les rangs des chats renégats. Je sens leur terreur et loin, très loin, le mélange de peur, de reconnaissance et d'admiration de mes compagnons.
Nos ennemis s'éloignent de moi, ils se tournent vers Lizzie. Ça, jamais ! Je dirige toute ma fureur contre ceux qui ont la prétention de blesser un autre de mes proches et laisse échapper un rire. Ont-ils cru qu'ils allaient pouvoir encore tuer ? Qu'ils aillent croupir dans le pays des morts, là où leur châtiment sera éternel !
Je croise le regard de leur chef. Dans ses yeux je vois la panique, la terreur et l'incompréhension mais je peux aussi voir mon reflet, une horrible image de moi. Mon arc brandi, mes bras ensanglantés, mes cheveux hirsutes, mes yeux de folle, ai-je vraiment ris de leur malheur ? Il n'y a qu'une seule chose à dire : je fais peur.
Les forces maléfiques fuient. Je me calme. Oui, je fais peur.
Il pleut. Les gouttes tombent autour de moi, autour de la dépouille de Myo. Elles tombent et l'eau se mêle à mes larmes, comme les fleuves se mêlent à la mer. Oui, il pleut alors que nous sommes dans la région la plus sèche d'Hercaliazie. Oui, nous sommes à deux pas d'un désert où la pluie ne tombe jamais mais plus rien n'a d'importance, Myo est mort. J'ai envie de hurler cette vérité comme pour l'évacuer, j'ai envie de la graver dans les rochers qui m'entourent, je veux marquer le drame qui s'est passé ici. J'ai l'impression que mon cœur va exploser, je suis déchirée. En voyant mon petit chat, j'ai presque l'impression de pouvoir suivre son âme, là où aucune personne vivante n'a le droit de pénétrer. Myo est mort. Ma vie a-t-elle un sens ?
Oh Myo, mon pauvre Myo, qu'est-ce que je vais devenir sans toi ?
La vue de son cadavre devient insupportable, je crie. Lizzie essaie de m'éloigner, je me débats. Laisse-moi près de mon chat ! Maotys et elle me parlent mais je n'écoute pas, je suis ailleurs, tout ce qui compte c'est Myo. Les deux essaient de me tirer de mon désespoir. Deux ? Attendez...
Où est Élise ?
À suivre...
j'aime trop !! J'ai hâte de savoir la fin.
RépondreSupprimerContinue comme ça Maëlys !!