Le 11e chapitre des aventures de Célestia glisse tranquillement sur la piste du Monde de Verlaine. Grâce à notre élèves de 3e, Maëlys Cosson, nos vacances d'hiver commence bien dans sa station pleine d'aventures surnaturelles.
CHAPITRE 11
« Ce sont des licornes et des fées criminelles, chuchote Lizzie.
- Quoi ?! Elles n'ont rien à voir avec les licornes ou les fées, c'est censé être beau les licornes et les fées et ces choses sont tout sauf belles ! s'exclame Myo à voix basse.
- Je vous expliquerez plus tard, il faut qu'on se cache pour l'instant », dit-elle.
Elle fait mine de partir se dissimuler entre les rochers, je l'arrête. Malgré mon aversion envers ces créatures, je les observe : elles n'ont pas l'air de nous avoir repéré et on dirait qu'elles communiquent avec la chimère que nous traquions dans un langage que je ne peux comprendre. S'il y a quelqu'un qui le peut, c'est bien la jeune fille. Je lui en fais la remarque et elle se concentre sur les grognements et les borborygmes des animaux. Elle traduit :
« La chimère : C'était le plan de la maîtresse, mais on a sous-estimé cette fille. Elle va être furieuse quand elle saura...
La licorne, qui a l'air d'être la commandante : Elle sait. Pourquoi t'es-tu enfuie ? Tu es une lâche et tu peux être certaine qu'elle ne t'épargnera pas. Elle m'a ordonné de te dire que tu dois aller la voir. Elle décidera de ton sort à ce moment là.
La chimère, qui s'est recroquevillée sous la menace : A-t-elle ordonné une autre attaque ? Je veux tuer la fille et son groupe d'adolescents. Je les hais.
La licorne : Cela ne te regarde pas. Mais je peux te dire que dès demain soir, il ne restera plus rien de ce minable groupe et de cette minable petite quête. Je vais les... »
Lizzie prend une teinte verdâtre et dit :
« Je peux arrêter la traduction ? C'est trop horrible. »
Je ne réponds pas. Mon cerveau est paralysé par l'horreur et le choc de la nouvelle. Les forces maléfiques nous ont repéré, elles veulent nous tuer. Elles ont parlé de moi. Je vais sûrement mourir demain et mes amis avec. Mes parents... Je ne vais plus revoir mes parents, je ne vais plus revoir la Terre. Je serais morte et la quête sera un échec. Je serais morte et Myo avec moi. Cela ne sert plus à rien de mener cette quête puisque nous serons morts demain. Cela ne sert à rien de mener cette quête puisque je ne reviendrais jamais chez moi.
Ces paroles font écho dans ma tête et je me ressaisis. Je ne peux pas me permettre de laisser tomber, pas maintenant, pas après tout ce chemin.
« Trouvons une cachette. Nous y passerons la nuit. Demain, nous préparerons de quoi nous défendre. »
Mes compagnons paraissent soulagés. Ils croient que je maîtrise la situation, que j'ai une idée pour nous sortir de ce pétrin. Mais c'est faux ! Je n'ai aucune idée, rien !
Nous faisons marche arrière pendant un petit moment et découvrons une minuscule grotte bien protégée entre les rochers et bien en hauteur pour voir d'éventuels envahisseurs. Nous rentrons à peine tous dedans mais c'est le meilleur endroit que nous ayons trouvé. Élise et Maotys prépare un feu et place des pierres tout autour pour en cacher au maximum la lumière.
Nous mangeons en silence. C'est finalement Myo qui le brise en disant :
« Lizzie, tu ne m'as pas expliqué pourquoi on appelle ces créatures les fées et licornes...
- Eh bien, on les appelle comme cela parce qu'avant, c'était des licornes et des fées comme tu les connais, gracieuses, inoffensives, pures, joyeuses. Les licornes avaient un poil lustré, une crinière à la douceur de la soie, et une corne magnifique, de toutes les couleurs ou unie, elle était toujours belle. Mais certaines de ces licornes avaient l'esprit perverti par de la haine, de la jalousie et des sentiments négatifs. Ces créatures ont commis des crimes, d'où leur appellation de criminelles. Elles ont assassiné des individus. À partir du moment où une licorne ou une fée commet ce genre de crime, elle se transforme physiquement et mentalement. Les cornes des licornes se tordent et perdent de leur éclat, plus elles commettent de crimes, plus leur corne est tordue. Elles possèdent aussi de grandes dents acérées et leurs poils sont aussi sombres que leurs pensées.
Les fées se transforment aussi en immondes créatures. Leurs ailes autrefois belles et brillantes sont maintenant craquelées et ternes, leurs yeux doux et pétillants sont désormais pleins de haine et de désirs de vengeance. Lors de la dernière guerre, les licornes et les fées criminelles formaient les meilleures armées de l'Hercaliazie. Les dieux en recrutaient beaucoup malgré tous leurs crimes. Tous ces combats ont entraîné des pertes phénoménales dans leurs rangs et les survivantes sont devenues encore plus fortes, violentes et cruelles. Désormais, il reste très peu de ces créatures et j'ignorais qu'elles avaient formé une alliance...
- En gros, ce sont des folles très dangereuses, conclue Myo
- En gros oui. »
Ce qui m'inquiète le plus dans cette histoire, c'est qu'elles ont clairement parlé de nous. Elles savent que nous cherchons à découvrir leurs intentions et cela n'a pas l'air de leur plaire. Et puis, qui est cette mystérieuse « elle » dont la chimère a l'air d'avoir peur ? Le petit groupe qui m'accompagne semble se poser les mêmes questions. Il faudrait faire quelque chose avant demain soir, sinon, d'après ce que j'ai compris, nous sommes morts.
Une idée m'effleure. Et si la quête d'Élise et de son frère était liée à la mienne ? Et si la mystérieuse « elle » était la déesse disparue ? Et si c'était Artémis, accompagnée d'Osiris, qui voulait la guerre entre les dieux ? Dans ce cas, cette quête est vouée à l'échec. Se battre contre des dieux revient à se faire pulvériser en trente secondes. Mais ce n'est pas dans la nature de cette déesse de chercher querelle, je l'ai lu au palais d'Hercalias. Ce n'est pas non plus dans la nature d'Osiris, au contraire, ce dieu juge les morts ; une guerre lui apportera du travail en plus. Ce n'est pas logique, pourtant, je suis presque certaine que c'est pour cette raison que les deux dieux ont disparus et que les forces maléfiques s'agitent. Si cette théorie se vérifie, je ne veux pas savoir ce qu'il adviendra de mes amis et moi.
Je me rapproche du feu pour me réchauffer un peu . Lizzie prend de nouveau la parole :
« Il nous faut un plan. Ces créatures parlaient de nous en disant qu'elles nous tueraient demain soir. On ne peut pas se laisser faire comme ça. Qui a une idée ? »
Personne ne répond.
Je tente :
« Elles sont trop nombreuses pour que nous les attaquions de face. Il faudrait les prendre par surprise avant qu'elles ne nous repèrent.
- Il faudrait les prendre par petits groupes, quatre ou cinq ennemis à la fois, pas plus, rajoute Myo.
- Et interroger la chimère pour qu'elle nous révèle le lieu où se trouve la chose qu'ils appellent « elle ».
La chimère sera sûrement seule puisqu'elle s'est fait expulsée des armées de licornes et de fées.
- Mais même si nous arrivons à en tuer certaines, il en restera beaucoup trop. Elles sont au moins quatre-vingt, remarque Élise.
- On peut poser des pièges, ainsi, on en prendra plus, proposé-je.
- Bonne idée. Nous ferons ça demain. Donc, récapitulons, d'abord, nous coinçons la chimère. Ensuite, nous la forçons à dire tout ce qu'elle sait. Après, on tue le maximum de licornes et de fées qui sortent de leur repaire, on fait des pièges dans les environs pour en élimer plus encore et enfin on avisera en fonction de ce qu'elles feront lorsqu'elles se rendront compte que leurs rangs ont diminués. En même temps, il faudrait poser des questions à toutes celles qui se prendront dans nos pièges, on est d'accord ? demande Lizzie.
- Oui », répondons-nous sans conviction.
Je prends une des lotions que l'on m'a donné sur le bateau et l'applique sur mon visage, je me sens tout de suite plus propre et optimiste. Nous avons enfin un plan, c'est bien. Cependant, je ne suis pas inconsciente non plus : j'annonce que les tours de gardes seront les bienvenus et prends le premier quart. Les autres sont d'accord. Je m'assois sur un rocher et commence ma veillée. Je constate que tout est calme de notre côté et observe le ciel. Je n'ai pas eu l'occasion de le regarder en détail depuis que je suis arrivée et ce que je vois là chasse toutes mes pensées négatives. Les astres se concentrent en plusieurs amas, comme des nuages de couleurs qui parsèment la nuit étoilée. Les étoiles filantes passent dans la nuit comme de petites étincelles d'espoir. Un jour, je retournerais chez moi.
« Bonne nuit Cel, dit mon chat qui s'apprête à aller dormir.
- Bonne nuit Myo. »
Il entre dans la grotte et je le perds de vue.
Je caresse doucement mon arc et constate avec étonnement que le carquois est plein alors que j'ai utilisé énormément de flèches. Je me souviens vaguement m'être déjà posé cette question à un moment mais ne pas y avoir vraiment réfléchi. Pour tester, je décoche une flèche dans le sable. Aussitôt, une autre la remplace dans le carquois. Incroyable ! Cette découverte m'émerveille .
Je me demande pour quelle raison la fille auquel était destiné cette arme est morte avant de pouvoir l'essayer, et si sa mort avait un rapport avec cet arc ? Stop. Célestia tu joues à te faire peur, ce sont les enfants qui font cela. Je ne suis plus un enfant. Je me rassois et concentre mon attention sur ce qui m'entoure. J'entends des bruits au loin, comme les grognements et les cris des licornes et des fées criminelles, mais aussi la respiration de mes amis endormis et mon propre cœur. Je sens la chaleur de mon corps et mes cheveux attachés en une tresse salis par la sueur et le sable. Je sens mes pieds s'enfoncer dans celui-ci. Je vois les ombres menaçantes des rochers qui m'entourent, la lueur lointaine des feux de nos ennemis, les étoiles. Les odeurs du désert emplissent mes narines, le sable, la roche, la chaleur mais aussi l'odeur des bêtes passées par là. Tous mes sens sont en éveil. J'ai l'impression que mon corps entier est en harmonie avec la terre, en harmonie avec ce monde, en harmonie avec l'Hercaliazie entière. Je sors de cette espèce de bulle étrange et me rends à l'évidence : les étoiles ont bougé dans le ciel, plusieurs heures se sont écoulées.
Je me sens apaisée et plus courageuse. J'affronterais tous les périls et toutes les souffrances que cette quête m'impose. J'affronterais tout cela pour moi bien sûr, mais aussi pour Myo, pour Lizzie, pour Pitit, pour Maotys, pour Élise, pour mes parents et pour l'Hercaliazie, ce monde que je découvre chaque jour un peu plus.
Je me lève. Mes jambes épuisées et endolories peinent à me porter et mon cerveau est comme plongé dans un brouillard. Je n'ai jamais connu une telle fatigue. Je pénètre dans la petite caverne où mes compagnons de voyage s'entassent et réveille Maotys qui doit assurer le second tour de garde. Il entrouvre les yeux, grogne quelques mots inaudibles et se rendort. Je le secoue. Il capitule et je le vois prendre place péniblement sur le sable. J'espère qu'il ne va pas s'endormir. Je me trouve un petit coin au fond de la grotte et m'endors près de Myo.
Je suis dans une pièce obscure où des centaines de cadavres parsèment le sol. Un point rouge m'attire. Je m'approche jusqu'à le toucher, là, je tombe dans une spirale infernale. J'atterris lourdement sur le sol. Qu'est-ce-que !? Je suis coincée dans une fresque ! Des dieux, des héros y figurent. Je me vois, tombant dans les profondeurs d'un sombre puits. Je me vois momifiée. Je suis morte. Le festin des dieux est animé, en haut, les muses chantent, dansent au son de leur musique. Mais moi, moi je suis morte, tout en bas. Non je ne veux pas !
Une voix me murmure : « Abandonne petite, abandonne cette quête ou ce sort sera le tien. Tu mourras et tes amis avec. Abandonne. Et méfie toi des ennemis qui t'entourent. »
C'est une voix froide, dénuée d'émotion, pas désagréable ou effrayante, juste froide. Je ne saurais dire si c'est la voix d'un homme ou d'une femme, c'est étrange. Je sais qu'il a raison, je devrais lui obéir mais...
Des voix me parviennent, plus lointaines, plus familières :
« Il faut la réveiller.
- Non, laisse-la elle est épuisée. »
Mon rêve se brise et la voix disparaît dans un écho. J'ouvre un œil, Lizzie et Élise sont penchées au-dessus de ma tête. Je leur demande, dans un demi-sommeil :
« Quelle heure ?
- Je ne sais pas. Le matin, répond Élise, tu criais dans ton sommeil. Tout va bien ?
- Heu... Oui... oui ça va, c'était juste un cauchemar. »
Quelque chose me dit que je dois garder le contenu de ce rêve secret. Je ne sais pas pour quelle raison exactement. De toute façon, je ne me sens pas prête à en parler. Ce songe est beaucoup trop effrayant. Je me prépare comme je peux, mange et attache ma chevelure. Malgré ma préoccupation sur cette vision, je remarque qu'Élise a un air triste. Rien dans son attitude ne le montre mais ses yeux sont noyés dans un voile de tristesse. Je me demande pour quelle raison son chagrin a encore augmenté. Je devrais aller lui parler. Depuis le début de notre quête, elle n'est pas dans son état normal. Lizzie interrompt le cours de mes pensées :
« Il faut préparer les pièges. Le plus simple serait de creuser de grands trous dans le sable, de tendre des couvertures au-dessus et d'étaler du sable sur celles-ci pour les camoufler. Ainsi, lorsque nos ennemis marcheront sur le piège, les couvertures tomberont dans le trou et eux avec.
- Bonne idée. Nous pourrions aussi les appâter avec de la nourriture ou quelque chose pour les affronter par petits groupes, dis-je.
- Tu as raison mais je pense que tu devrais assurer cette partie. Grâce à ton arc, tu es moins exposée et tu peux les éliminer sans te blesser. Ce sera moins dangereux. Quant à moi, j'assommerais les licornes et les fées criminelles dans leur piège. Il faudrait par contre que Maotys ou Élise m'aident à les tuer pour de bon. Ma massue est très bien mais n'élimine pas définitivement les ennemis. »
Une pensée que j'ai eu hier me revient en mémoire :
« N'est-ce pas barbare de les tuer ? Ces créatures sont devenues des monstres par leurs crimes mais tuer des êtres vivants dotés d'une conscience n'est pas un crime peut-être ? »
J'ai dis quelque chose de mal ? Mes amis me regardent étrangement.
« Célestia, ce sont des forces maléfiques, elles ne sont pas comme toi et moi, elles ont commis des choses atroces, tu ne peux même pas imaginer. Elles ne méritent pas de vivre, commence Maotys.
- Ce sont des bêtes sauvages dangereuses pour l'avenir de ce monde. Les dieux eux-mêmes les redoutent. Elles pourraient mener une rébellion, elles pourraient nous tuer. Si tu ne veux pas leur soustraire des informations et les éliminer, tu ne retourneras jamais chez toi, continue Élise.
- Alors, la rébellion des forces maléfiques a déjà commencé et nous sommes les pions des dieux pour contrer ce mouvement », affirmé-je.
Dans les yeux de Lizzie, je vois une lueur de compréhension. Si nous sommes obligés de tuer ces bêtes pour pouvoir passer, si elles veulent notre mort parce que l'on cherche à en savoir plus, les forces maléfiques se rebellent. Si ce n'était pas le cas, elles nous laisseraient en paix. Lizzie soutient mon regard et dit :
« Oui. Oui la rébellion des forces maléfiques a commencé. »
Un silence grave s'installe dans la caverne. Elle continue :
« Nous devrions préparer les pièges, Élise et Pitit vous venez avec moi. Myo et Maotys avec Célestia. Je pense qu'il vaudrait mieux nous retrouver lorsque le soleil sera à son zénith. Tout le monde est d'accord ?
- Oui. »
Je mets Myo dans mon sac, prends mon arc et mon carquois, échange un regard entendu avec Maotys et sors, histoire de réfléchir seule un moment. Je sens le regard des autres sur moi. Pourquoi faut-il toujours qu'ils me regardent comme cela ? C'est vrai, je n'ai jamais le droit de dire ce qui me préoccupe ! Pourquoi me prennent-ils à chaque fois pour une folle ? Au moins, nous sommes arrivés à une conclusion... D'accord, elle n'est pas géniale mais...
D'accord, je suis juste de mauvaise foi. Je leur ai asséné la vérité en pleine figure... et elle fait mal. Maotys me rejoint :
« J'ai pris de la viande séchée pour attirer les licornes et les fées.
- Elles sont carnivores ?
- Depuis leur transformation seulement. Normalement, les fées et les licornes normales sont herbivores...
- Ah oui ? C'est étrange.... »
Nous partons en direction du repaire des forces maléfiques. Pour le moment, tout est calme, aucune de ces bêtes en vue. Nous avons convenu que le premier groupe qui trouvera la chimère devra en informer les autres. La mission principale pour le moment, c'est de poser des pièges. Je repère un bon endroit : entouré de rochers, si bien qu'il est difficile d'en sortir, mais assez grand pour attirer une créature. Maotys pose un morceau de viande. Nous reprenons notre chemin et nous arrêtons une fois avoir posé toute la nourriture. Il n'y a plus qu'à attendre en silence maintenant. Un mouvement au loin attire mon attention : la chimère ! Des silhouettes la suivent, c'est Élise et Lizzie. Elle a donc réussi à leur échapper ! Ce n'est pas bon pour nous cela... J'ordonne à Maotys de rester ici avec Myo et pars prêter main forte à mes amies. Je coure à une vitesse grisante mais les autres restent hors de portée. Je gagne un peu de terrain mais je vois bien que les deux silhouettes s'épuisent. Je pourrais tirer une flèche mais à cette distance, j'ai peur de toucher l'une de mes amies. J'accélère encore un peu au point de sentir mes muscles brûler sous l'effort. La chimère s'éloigne aussi de plus en plus. Tant pis, je dois tirer ou nous la perdrons de vue. Je m'arrête abruptement, reprends mon équilibre et vise avec la plus grande précision dont je puisse faire preuve. Je sais que deux millimètres à côté de ma cible feront un écart considérable de si loin. Il faut que je prévois la position de la bête en fonction de sa vitesse et que je la touche sans la tuer pour lui retirer toutes les informations possibles. Ma corde est tendue au maximum et mes bras commencent à trembler... Attends... Encore... Maintenant ! Ma flèche est partie si vite que je n'ai pas eu le temps de voir sa trajectoire. Je m'élance aussi vite que le sable, mes muscles et ma fatigue le permettent. Je vois au loin l'arrêt de mes amies et la chimère qui tombe au sol. Oh, faites que je ne l'ai pas tué...
Je suis enfin près de mes amies, je m'autorise donc à aller un peu moins vite.
J'arrive haletante devant elles. Les deux me regardent bouche bée :
« C'est toi qui ? commence Lizzie.
- De si loin... reprend Élise.
- Dîtes-moi que je ne l'ai pas tué. Tout va bien, vous n'avez rien ?
- Tout va bien, en tout cas pour nous. La chimère est seulement blessée. Comment tu as fait Cel ? Tu étais au moins à trois cents mètres, c'est tout bonnement impossible !
- À vrai dire, je ne sais pas très bien. J'ai paniqué car elle s'éloignait et j'ai tiré... »
Je m'approche de la bête : elle est vraiment hideuse. Elle a une tête de lion attachée à un corps de chèvre, terminée par une queue de serpent. Beurk. Sa patte saigne abondamment à l'endroit où la flèche s'est plantée. Comment ai-je pu viser et tirer avec une telle précision d'aussi loin, je n'en sais rien. En tout cas, cela arrange bien nos affaires. Lizzie s'approche également, me jette un coup d'œil et m'informe :
« Ce que je vais faire ne va pas te plaire...
- Si ça peut nous aider... »
De toute façon je suis exténuée et je n'aurais pas la force de protester. La fille rose brandit sa massue et s'empare de la créature en hurlant des paroles dans une langue de grognements qui est, je suppose, le langage chimère. Voyant que cette méthode ne marche pas très bien et que la bête ne dis rien, Lizzie ordonne à Élise de lui donner son poignard. Cette dernière obéit, livide. Lizzie continue sa torture avec plus de violence. Je détourne les yeux du sang qui coule maintenant à flots. Comment une fille aussi gentille que Lizzie peut faire des choses si atroces ? Ses yeux sont emplis de haine et de cette folie qui peuple le regard des assassins. Ses paroles font l'effet de lames de rasoir et elle est plus terrifiante maintenant que toutes les choses qui me sont arrivées ou que j'ai pu voir depuis que je suis en Hercaliazie. Elle répète toujours la même chose en laissant un temps pour que la chimère réponde ; comme celle-ci ne le fait pas, elle continue son œuvre. C'est affreux. C'est nécessaire pour le reste de ma quête. Enfin, avant qu'elle ne se vide de son sang, la bête grogne quelques paroles à l'oreille de Lizzie. La jeune fille arrête la torture et la chimère, épuisée et meurtrie, rend son dernier soupir.
Lizzie tend son poignard à Élise et me rend ma flèche :
« Je suis désolée d'avoir dû recourir à ces extrémités...
- Pas... pas de pro... problème. »
Élise est décidément trop indulgente. Moi, j'ai une question à poser à Lizzie :
« Qu'est-ce que tu as éprouvé en la torturant ainsi ? »
La fille me regarde, médusée et semble comprendre :
« Si tu crois que j'ai pris plaisir à lui faire mal, tu te trompes. J'ai appris à me montrer dure même si c'est immonde, même dans un bain de sang. On m'a appris à résister à l'envie de tout arrêter, même dans des situations de tortures comme celle-ci. C'est le seul moyen d'obtenir des informations capitales sur la quête.
- Je te crois. Seulement, je voulais m'assurer que tu n'y avais pris aucun plaisir, dis-je, je ne peux pas me permettre d'avoir un monstre assoiffé de sang dans ma propre équipe.
- Bien sûr Cel, merci de m'avoir cru. »
Me voilà rassurée pour le moment, mais je n'oublierais pas son regard lorsqu'elle torturait l'ennemi. Élise revient au sujet initial :
« T'as-t-elle révélé quelque chose ?
- Malheureusement oui. Elle m'a dit que sa troupe de chimère obéissait à des ordres qui venaient d'en haut et que sa maîtresse était très puissante. Elle ne m'a pas dit qui elle était. Elle ne savait pas combien de troupes de bêtes lui obéissaient mais elle m'a parlé d'une chose qui m'a intriguée : un espion qui lui transmettait les ordres. J'ai bien l'impression que nous sommes tombés dans une organisation très protégée et très dangereuse des forces maléfiques...
- Un espion ? Attends, attends, attends... Le rôle d'un espion, c'est d'espionner n'est-ce pas ? remarque Élise, très pâle.
- Ben... Logiquement, oui, mais où veux-tu en venir ? répond Lizzie.
- Et si cela avait un rapport avec les impressions de Célestia ? Ce serait probable non ?
- Heu... Excuse-moi Élise, mais j'ai l'impression d'être observée depuis que je suis arrivée en Hercaliazie, pas depuis que j'ai commencé la quête. Cet espion ne pouvait pas savoir que j'allais chercher à découvrir ses intentions et il n'aurait eu aucune raison de m'en vouloir particulièrement. Non, je pense que c'est juste une sorte de transition la « maîtresse » et ses troupes. C'est juste une sorte de surnom qu'il s'est donné à mon avis. Qu'en penses-tu Lizzie ?
- Je n'en sais rien... C'est vrai que tes impressions pourraient avoir un rapport avec cette quête mais cela m'étonnerait fort. Personne ne peut avoir une intuition assez forte pour qu'à l'instant même où tu as posé les pieds en Hercaliazie on ait envoyé une chimère te chasser. En même temps, tu nous a souvent étonné alors peut-être que... Et puis... Non rien. »
Cette dernière phrase m'inquiète : qu'a-t-elle voulu dire ? Elle n'a pas jugé nécessaire de nous faire part de sa dernière suggestion... Est-ce parce qu'elle n'avait pas grand intérêt ou parce qu'au contraire, elle relevait d'une chose encore plus troublante ?
Un silence s'installe entre nous. Je ne pense pas que mes impressions aient quelque chose à voir avec cet espion. Lizzie a raison : personne ne peut avoir une si forte intuition. Je ferais mieux de chasser de ma tête cette drôle d'idée, elle m'embrouillera l'esprit et pour l'instant, je préfère avoir les pensées claires.
Je propose de retourner avec Maotys et Myo qui doivent s'impatienter depuis tout ce temps et prends le chemin du retour en compagnie de mes amies, tout en ruminant mes noires pensées.
À suivre...
Ce onzième chapitre est aussi génial que les autres. Continue comme ça Maëlys !
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