EDITORIAL


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ÉDITORIAL

Le Monde de Verlaine a deux objectifs : permettre aux élèves de s'exprimer sur l'actualité (au sens très large) et les éduquer aux médias.

Ainsi, tous les lundis, en salle 5, de 13h à 13h50, sous la direction de M. Aupée, les élèves volontaires pourront venir écrire sur un sujet d'actualité de leur choix (international, national, régional, Évrecy, collège). Ils pourront aussi écrire un article "coup de cœur" ou participer à la Web-TV, La Télé de Paul.

En outre, les enseignants du collège et des écoles du secteur pourront également proposer à la publication des travaux d'élèves réalisés en classe afin de les mettre en valeur.

vendredi 26 janvier 2018

Les aventures de Célestia (Chapitre 10)

Le roman de Maëlys Cosson se poursuit dans Le Monde de Verlaine ! Notre élève de 3e fait vivre des aventures de plus en plus mystérieuses à son héroïne Célestia. Vite, la suite !


Cliquez sur ce lien pour (re)lire le 9e chapitre.


Chapitre 10


« Célestia ?

- ...
- Cel, tu es là ? »

Lizzie entre dans ma cabine et me trouve recroquevillée dans un coin, à côté de mon lit.

« Je suis désolée Cel... Je n'ai pas réfléchi avant de parler. Je ne voulais pas te dire que tu es étrange dans un sens négatif, seulement, tu m'intrigues. Et puis franchement, de nous deux, je suis d'accord pour dire que je suis la plus bizarre.
- Arrête. C'est à moi de m'excuser, je me suis énervée pour rien, dis-je.
- Tu as les yeux rouges et gonflés… Oh non ! Tu n'as pas pleuré par ma faute j'espère ?
- Non...
- Mmh...
- D'accord, j'ai peut-être versé quelques larmes, mais sans plus et ne vas pas le raconter aux autres sinon je t'enfonce une flèche dans le ventre.
- D'accord, d'accord. De toute façon, ce n'était pas dans mes intentions.
- J'espère bien ! »

Qu'est-ce que vous voulez ? Je n'ai jamais aimé dévoiler mes sentiments, surtout la tristesse ; c'est une marque de faiblesse. Je ne montre jamais mes faiblesses. Malgré tout, je dois m'excuser. Je n'ai pas le droit de faire attendre mes compagnons plus longtemps.

Je sors de ma chambre et retourne sur le pont. En rejoignant le groupe je croise le regard de Myo : je crois que je vais avoir le droit à une petite conversation pleine de sermons... Les quatre adolescents sont penchés sur une carte. Ils semblent se disputer. Lorsqu'ils remarquent ma présence, leur discussion s'arrête. Je respire un grand coup et dis :

« Pardon. Je ne voulais blesser personne, je ne sais pas ce qu'il m'a pris. J'espère que vous ne m'en voulez pas. J'ai mal réagis et je m'en excuse. Si je pouvais remonter le temps et changer mes paroles je...
- Bah, c'est pas grave Cel, on ne t'en veux pas, tu es fatiguée et stressée voilà tout. T'inquiète pas, on en a vu d'autres ! lance Maotys en me donnant une tape dans le dos.
- Mao a raison, nous ne vaudrions rien si nous t'en voulions pour ça. », acquiesce Élise.

Les larmes me montent aux yeux. Non ! Je ne pleurerais pas ! Je m'efforce de penser à autre chose qu'à la reconnaissance que j'éprouve (avec des réflexions très pertinentes du genre : « Oh, il fait beau aujourd'hui ! » ou « Le bateau de Lizzie est très grand en fait... ». Oui bon, on ne juge pas hein...). Je parviens à balbutier un vague merci, sous les regards amusés des autres. Lizzie et Maotys reprennent alors leur dispute, comme si de rien était, sous mon regard incrédule : c'est comme si l'incident n'avait jamais eu d'importance. C'est tout de même étrange, ni rancune, ni colère... Je me sens un peu stupide, je pensais que mes compagnons seraient vexés. Je me suis trompée sur toute la ligne ! J'esquisse un sourire, les personnes que je pensais avoir déjà découvertes ont encore beaucoup de choses à m'apprendre apparemment...

Je me concentre de nouveau sur le brouhaha ambiant, non sans garder cette réflexion dans un coin de ma tête.

Je crois comprendre que Maotys s'énerve parce que nous n'avons pas immédiatement suivi la dernière chimère. Lizzie se tue à lui dire qu'il faudrait d'abord évaluer le terrain et prendre des repères en terre hostile mais le jeune homme ne veut rien entendre. Myo intervient, lui faisant remarquer sèchement que cela ne sert à rien de s'énerver pour quelque chose que nous n'avons pas fait. Le garçon se tait et boude. Vous ai-je déjà dit que je trouve mon chat vraiment très intelligent parfois ? Lizzie prend un air triomphant et demande à cinq de ces domestiques de quoi vivre sur le territoire des criminels et des créatures les plus affreuses qui existent en Hercaliazie, ce qui, au passage ne manque pas de lucidité puisque c'est effectivement notre destination...

Élise et Maotys se retirent dans leur cabine et je fais de même afin de prendre mon sac.

De retour sur le pont, un des domestiques de Lizzie me mène jusque dans une barque. Je m'assois dedans et attends patiemment. Mon chat saute dans l'embarcation, le poil déjà tout hérissé.

« On est vraiment obligé d'aller sur l'eau ?
- Ne t'inquiète pas, ce ne sera pas long. Regarde, la terre est juste ici », le rassuré-je en lui montrant la côte.

Il marmonne des paroles incompréhensibles et se roule en boule sur mes genoux.

Prise d'une panique soudaine en me remémorant le trajet de l'autre fois, je lui demande, avec toute l'impassibilité dont je puisse faire preuve :

« Tu pourrais éviter de sortir tes griffes ? J'ai déjà beaucoup d'égratignures aux bras, alors tu sais mes jambes heu...
- Mmh... »

Je prends cela pour un oui.

Une fois que tout notre groupe est installé, la fille du transmetteur prend les rames et la barque glisse doucement sur les vagues glacées. Je suis surprise, aucun incident ne vient perturber la traversée et nous arrivons bientôt sur la plage. Aucun de nous ne dit mot. Élise décide de rompre le silence en posant la question qui nous taraude tous :

« Bon, qu'est-ce qu'on fait maintenant qu'on est là ?
- Ben...
- Heu...
- Vous n'en avez aucune idée n'est-ce pas ?
- À vrai dire... non, à part prendre quelques repères et heu... »

Nous voilà bien avancé... Je m'éloigne un peu. Les cadavres des chimères mortes par mes flèches jonchent le sol à cet endroit. D'ailleurs, comment se fait-il que mon carquois soit encore plein ? Je n'ai pas le loisir d'approfondir ma réflexion car je remarque une infime marque rouge à ma gauche. Je m'approche et découvre des traces de sang qui s'enfoncent dans les dunes. Mais bien sûr, la dernière chimère ! Je l'avais blessée ! Elle a dû s'enfuir, laissant une piste derrière elle ! J'appelle mes compagnons :

« Eh ! J'ai trouvé quelque chose venez !
- Qu'est-ce que c'est ? demande Maotys.
- Des traces de sang, elles forment une piste. Il suffit de la suivre et nous retrouverons la chimère. Quand nous l'aurons rattrapée, nous pourrons l'interroger et peut-être comprendre ce qui a poussé sa bande à nous attaquer. Nous pourrons peut-être même comprendre la raison pour laquelle les forces maléfiques s'agitent !
- D'accord, d'accord. Mais où vois-tu cette piste ? Je ne vois que des minis mares de sang qui n'ont pas de sens.
- Non, Cel a raison, durant ma formation de transmetteur j'ai appris à suivre un animal blessé. C'est un réel chemin que nous offrent ces marques. Bravo Cel ! réplique la fille rose.
- Alors suivons-le. Célestia, montre-nous le chemin puisque c'est toi qui l'a remarqué en premier. ».

Hein ? Moi ? Mais je n'ai jamais fait cela de ma vie ! Bon et puis autant essayer...

Sous les regards insistants de mes compagnons, je me concentre et laisse mon instinct me guider. Ici à droite, tourne à gauche, encore à gauche...

« Cel... Cel... On peut faire une pause ? Ça fait au moins une heure qu'on marche..., halète Maotys.
- Ouais il a raison, j'ai mal aux pattes moi ! Regarde mes coussinets ! ronchonne mon chat.
- Allez bande de fainéants ! On se bouge ! Vous voulez la rattraper cette chimère ou pas ?! clame Lizzie.
- Ben justement...
- Pas tellement en fait...
- Pfff... »

Je détache mes yeux de la piste et lève ma tête endolorie. Les regards sont posés sur moi, interrogateurs. Je dois décider. Mon instinct me dit de continuer mais le regard suppliciant de Myo me convainc de faire une petite pause. Je souris, moi-même exténuée :

« Cinq minutes.
- Mais on ne peut pas évaluer le temps ici, enfin c'est très compliqué, tente de m'expliquer Lizzie.
- C'est une expression...
- Ah. »

Myo s'approche de moi et me montre ses petites pattes. Elles sont très abîmées. Je comprends qu'il veuille que je le porte. J'installe mon chat dans mon sac, entre mes flasques d'eau fraîche. Il me remercie et s'endort aussitôt. Je soupire et m'assois sur le sol sablonneux. Le paysage s'est énormément transformé. Le sol s'est craquelé, les rares arbres desséchés et le soleil darde ses rayons les plus puissants sur nos visages ruisselants de sueur. Depuis combien de temps sommes nous partis ? J'essaie de regarder la position du soleil, sans succès. Impossible de le regarder maintenant sans se brûler les yeux, peut-être que lorsqu'il entamera sa descente il se fera moins puissant, du moins je l'espère.

« Je t'ai dit que c'est la terre la plus dangereuse d'Hercaliazie, la chaleur fait partie de ces dangers. Je ne sais pas si je te l'ai déjà appris mais ici chaque minute peut durer des mois en territoire sûr ou le contraire. Je pense que si rien ne nous guidait, nous nous perdrions. » me souffle Lizzie. La fille rose paraît bien moins sûre d'elle désormais. C'est à moi de reprendre la tête de la quête. Je me lève et annonce le départ.

Réfléchis Célestia. La chimère avait une flèche plantée sa patte avant, elle est partie en sollicitant toutes ses forces pour courir, elle se trouve dans un territoire très aride, elle est donc à coup sûr épuisée et a certainement extrêmement chaud compte tenu de sa fourrure.

Ses avantages : c'est son territoire, elle le connaît sûrement par cœur. Sa fourrure se fond parfaitement dans le décor. Mais surtout, Myo me scie le dos par son poids et je ne peux accélérer ma traque. Bon sang, il faut que je pense à le mettre au régime ! Je lui en fait la remarque lorsqu'il se réveille mais il ne prend même pas la peine de me répondre et m'ignore volontairement. Eh bien merci ! Je m'épuise à le porter pour qu'il me traite de cette façon ! Je souffle longuement, tout en me concentrant de nouveau sur les traces de la chimère. Le sang est de plus en plus frais à mesure que l'on avance. Je continue. Nous approchons du but, je le sens. Une vague d'excitation surgit en moi. Depuis quand est-ce que j'aime jouer au chien de chasse ?

Une énorme dune nous fait face. Le sang m'informe que notre proie est passée derrière. Je m'arrête et dis : « Arrêtons-nous ici. Il est fort probable que celle qu'on cherche soit derrière cette dune. 
- Enfin ! »

Tous se laissent tomber à terre et boivent énormément. Myo sort de mon sac et rejoins Pitit un peu plus loin. Ils entament une conversation sous le regard surpris de Lizzie. 
« Mais... Mais Pitit ne parle qu'à moi normalement ! 
- Peut-être qu'il éprouve le besoin de s'exprimer. Comme Myo est un peu dans la même situation que lui... 
- Mouis. Tu as sûrement raison. Enfin... Tu dis que la chimère est derrière la dune. Qu'est-ce qui te le fait croire ? 
- Le sang est vraiment frais ici, l'odeur est plus forte et le fait d'escalader la dune à dû être un réel effort de sa part. Je suis d'ailleurs surprise qu'un animal blessé puisse marcher autant.
- Mmh... C'est parce que les forces maléfiques s'agitent. Ça les rend plus fortes. Tu sais, j'aurais perdu la piste beaucoup plus de fois que toi. Tu es sûre de n'avoir jamais fait cela ? 
- Certaine. Je ne sais pas comment je fais. Je suis mon instinct c'est tout. 
- Eh bien ton instinct est très développé, plaisante-t-elle, tu devrais boire Cel.
- Tu as raison. À la tienne ! »

Je me désaltère en m'efforçant de paraître optimiste, ce qui n'est pas chose aisée lorsque l'on est sur les traces d'un monstre sanguinaire, dans le désert.

Nous repartons et entreprenons l'ascension de la dune. Le sable brûlant entre dans nos chaussures et rend la marche très difficile. Presque arrivée au sommet je m'allonge et rampe afin d'avoir une vue d'ensemble sans me faire repérer par d'éventuels ennemis. Les autres m'imitent, surpris. Je leur explique mon raisonnement à voix basse et ils approuvent silencieusement.

Je regarde en aval. À l'horizon, je peux apercevoir d'immenses montagnes. Le paysage oscille sous les hautes températures. Des mouvements attirent mon attention. À quelques centaines de mètres, de mystérieuses créatures prennent la direction des montagnes. Je montre à Lizzie cet étrange phénomène. Ses yeux s'agrandissent et elle pâlit en se laissant glisser derrière la dune.

« Ce... ce sont des clessos abostras. Ils... ils sont au moins quatre-vingts ! dit-elle.
- Du calme Lizzie. Ils ne sont sûrement pas là pour nous. Tu l'as dit toi-même, la terre hostile est le territoire de toutes les créatures et de tous les criminels. Maintenant, explique-moi ce que c'est, la rassuré-je.
- Ce sont des chats renégats, de méchantes bêtes, dit Maotys à sa place, elles sont très rares et extrêmement agressives. Je pense qu'elles font partie de la catégorie « forces maléfiques » non ?
- Oui, on raconte que les chats renégats ont des épines à la place du pelage, des moustaches frisées et des griffes longues et acérées. Ils peuvent même vaincre des chimères malgré leur petite taille », ajoute sa sœur.

Si ces bêtes sont aussi féroces, il n'est pas question que nous les rencontrions. Je regarde de nouveau la troupe bruyante. D'un autre côté, elle pourrait peut-être nous mener à l'endroit où nous voulons, après tout, ce sont des forces maléfiques les... comment déjà...? chats renégats. Et si grâce à eux je découvrais les manigances des forces maléfiques ? Et si grâce à eux je rentrais chez moi ?

Non. Je ne peux pas me permettre d'avoir ces pensées. Lizzie est en panique et, si je suis ces chats, je ne suis qu'une égoïste, incapable de soutenir mes compagnons !

Je remarque que la chimère continue son chemin après une longue pause et la fille rose m'interpelle :
« Cel, elle part... 
- Je sais.
- Mais il faut la suivre, on ne peux pas la laisser s'en aller comme ça !
- Ne t'inquiète pas... à la vitesse où elle va, on la rattrapera bientôt. Pour l'instant je veux seulement qu'on se calme et qu'on se repose.
- Mais...
- Il n'y a pas de mais. C'est moi qui dirige cette quête non ? Alors on fait une pause ! »

Elle me jette un regard mi-en colère, mi-étonné et s'assoie un peu plus loin sur la dune. Je sens mon ventre gémir, je me demande l'heure qu'il est ; peut-être devrions nous manger... Comme pour répondre à cette interrogation, Myo vient vers moi :
« J'ai faim ! On ne peut pas manger maintenant, Cel ?
- Oh oui, on peut manger ? Je sais qu'il n'est sûrement pas l'heure mais je suis affamé ! approuve Maotys.
- Oui bien sûr, de toute manière, j'ai perdu la notion du temps depuis longtemps alors...
- Vous êtes vraiment des estomacs sur pattes vous deux ! » s'exclame Élise.

Je souris tandis qu'elle continue ses sermons. Mon regard se pose sur Lizzie, à l'écart et je perds toute envie de rire. Sa peine est flagrante. Elle est perdue dans ses pensées, caressant son suricate, les yeux vides. Je prends la nourriture qu'on a gentiment sortie pour moi et vais m'assoir à côté d'elle. La jeune fille n'a pas l'air de me remarquer. Je pose ma main sur son épaule en demandant :
« Que se passe-t-il Lizzie ?
- Rien, absolument rien.
- Arrête, je vois bien que quelque chose ne va pas, dis-moi, je pourrais peut-être t'aider.
- Non tu ne peux pas. Personne ne peux changer le passé Cel, pas même les dieux. »

Elle lève ses yeux roses pleins de larmes sur moi et je suis frappée par sa beauté étrange. Pourquoi a-t-elle les yeux roses, je n'en sais toujours rien mais cela lui va vraiment bien. Je vois dans son regard de la souffrance, de la peur et de la nostalgie, c'est comme si, en voyant ses yeux je perçais et ressentais ses sentiments.

« Lizzie, qu'as-tu ? Je sens tes émotions mais je n'arrive pas à en trouver la cause. Qu'as-tu ?
- Tu... Tu sens mes émotions ?
- J'en ai bien l'impression, mais pour l'instant j'aimerais que tu te confies à moi. Tu sais, parfois parler des choses qui font souffrir, vaut mieux que de les garder en soi. Tu n'as pas à porter un poids toute seule ; si tu as besoin de moi je serais toujours là, je peux te soutenir si tu le désire.
- Toi ? Me soutenir ? Mais on ne se connaît pas depuis longtemps...
- Peut-être, mais souviens-toi que tu m'as sauvé la vie, que tu m'as accueilli chez toi et que tu m'as même donné l'occasion de rentrer dans mon monde, alors si je peux te soutenir, c'est la moindre des choses.
- Tu es vraiment... hors du commun Célestia. Mais dans un bon sens, tu es merveilleuse. Je te remercie du fond du cœur parce que moi, je n'ai jamais eu quelqu'un comme toi à mes côtés. Dès l'instant où j'ai fait ta connaissance j'ai eu envie de t'aider mais je ne pensais pas que c'était réciproque... Merci.
- Mais voyons, tu n'as pas à me remercier c'est normal, maintenant si tu veux bien, tu devrais me dire ce qui ne va pas.
- ... Ma mère est morte en voulant me protéger des clessos abostras. Tu comprends, quand je les ai revus, de nombreux souvenirs très douloureux me sont revenus en mémoire.
- Oh, je vois, c'est pour cette raison que tu es devenue toute pâle et que tu avais l'air paniquée d'un coup.
- C'est également pour ça que je voulais repartir à la poursuite de la chimère, parce que s'occuper l'esprit et le corps permet de fuir les mauvaises pensées, celles qui font mal.
- Oui, je comprends. Mais les fuir peut aussi s'avérer être un mauvais choix, après elles reviennent plus puissantes et la situation est encore plus pénible à supporter.
- Je ne t'ai pas tout dit : c'est aussi à cause de ces créatures que j'ai les cheveux et les yeux roses. 
- Ah oui ? Veux-tu m'expliquer ou préfères-tu t'arrêter là ?
- Non je continue. Tu as le droit de savoir et ça me fait du bien de te parler. J'ai l'impression que ça organise mon esprit.

Tu m'as dit que tu es arrivée en Hercaliazie près de la ville de Maotys et sa sœur non ? Si tu te souviens bien, dans cette ville il y a un ruisseau d'eau mauve.
- Oui je me souviens, d'ailleurs j'ai été plus que surprise en le voyant.
- Certainement, il surprend toujours la première fois... Eh bien, il y une dizaine d'années de cela, quand j'avais cinq ans, j'étais dans cette ville en compagnie de mon père et de ma mère. Mon père m'apprenait à transmettre les messages des dieux aux habitants. Ensuite, je ne me souviens plus très bien, mais il y a eu un grand vacarme et j'ai eu le temps de voir un chat renégat devant moi. Il allait m'attaquer mais ma mère s'est interposée avant qu'il ne me saute dessus. En me poussant pour me protéger, ma mère m'a fait tomber dans le ruisseau. C'est très confus ensuite. Je me souviens de l'eau qui pénétrait dans ma peau et dans mes yeux, je me souviens de la nage à contre-courant pour revenir sur la berge, je me souviens de ma surprise et de mon horreur lorsque j'ai vu ma chevelure et mes yeux roses dans mon reflet mais surtout je me souviens du chat qui me regardait avec entre ses crocs, le cou de ma mère. J'étais tellement choquée et exténuée que je me suis évanouie et, à mon réveil, on m'a appris la mort de ma mère. Je n'ai plus mangé pendant des semaines, mon père priait chaque jour les dieux pour qu'ils me maintiennent en vie et je pleurais, j'étais inconsolable. Puis, un jour Pitit est arrivé. Il m'a parlé longtemps. Il a réussi à me convaincre que si ma mère me voyait, elle ne serait pas fière de moi, il m'a dit que je devais me montrer forte. Ça peut paraître étrange de dire des choses comme ça à une enfant de cinq ans mais depuis ce jour, j'ai repris un semblant de vie normale et petit à petit j'ai repris goût à la vie, mais mes cheveux et mes yeux sont toujours roses, comme pour me rappeler ce jour, ainsi, je ne pourrais jamais l'oublier. »

Plus rien ne peut arrêter les paroles de Lizzie à présent. Sa voix est chargée d'émotion et ses mots s'emmêlent. Cela a dû être très dur pour elle de perdre sa mère si jeune...

« Oh Cel, si tu savais comment ces scènes me sont revenus brusquement en voyant les chats renégats, si tu savais comme ma souffrance est forte, si tu savais comme ma mère me manque parfois... D'habitude j'évite de penser à elle, tu vois dans quel état ça me met mais c'est mal de ne pas penser à ma mère, Cel qu'est-ce-que je dois faire ? J'ai terriblement peur de mes souvenirs, j'ai peur de retomber dans le chagrin, j'ai peur de ne pas honorer ma mère comme il se doit, j'ai peur de ne pas la rendre fière, j'ai peur de tout...Qu'est-ce-que je dois faire ?
- Écoute-moi Lizzie, ta mère peut être fière de toi, tu es géniale et tu sais combien la vie est précieuse. Elle est morte pour toi car elle voulait que tu grandisses, que tu vives, que tu deviennes une jeune fille forte, intelligente, compatissante , généreuse et heureuse. Tu es devenue cette jeune fille Lizzie. Tu peux te tourner vers l'avenir sans pour autant oublier ton passé, tu peux vivre une belle vie sans oublier le sacrifice de ta mère. Je ne te promets pas que ce sera facile tous les jours, à chaque instant mais je peux te promettre que tu ne regretteras jamais d'avoir mené cette vie et que ta mère serait heureuse de te voir comme cela. »

Ces mots sortent sans même que j'y réfléchisse, je parle en toute honnêteté, sans sous-entendus, sans arrière-pensées. La jeune fille me regarde un moment, esquisse un vague sourire et me prend dans ses bras en me murmurant des remerciements et en sanglotant. N'étant pas habituée à ces marques d'affection, je me sens un peu mal à l'aise mais je peux sentir le regain d'espoir de la jeune fille et c'est le principal pour le moment. En y repensant, le fait qu'elle se soit confiée à moi me touche énormément et son histoire est si triste et si émouvante... je n'en reviens pas qu'elle ait bien voulu me parler.

Elle se lève et je fais de même, il est temps de repartir à la chasse à la chimère. Pitit se perche sur l'épaule de la jeune fille et je fais signe à Myo de venir dans mon sac, ce qu'il fait avec un soupir de satisfaction, enchanté à l'idée de faire une sieste. Maotys et Élise, qui ont suivi la scène de loin m'interrogent du regard mais je hoche la tête l'air de dire « tout va bien » et ils me suivent sans poser plus de questions. Il m'est difficile de me concentrer sur les traces de sang en ayant toute la conversation avec Lizzie dans la tête mais au prix d'un effort considérable, je réussis à retrouver la piste.

Le soleil va bientôt se coucher. Tous mes muscles me font souffrir et mes jambes peinent à soutenir mon poids. Je suis sur le point de proposer à mes compagnons de nous installer pour la nuit quand quelque chose attire mon attention : de la lumière, comme des torches enflammées qui dansent au loin. J'en fais la remarque aux autres qui me confortent dans l'idée que c'est tout, sauf normal. Je propose de nous rendre à la source de cette lumière, ce que mes amis acceptent, malgré leur fatigue palpable. Des rochers pointent du sable dans cette partie du désert, peut-être parce que l'on se rapproche des montagnes... Je louvoient entre eux, de façon à ne pas me faire repérer par de potentiels ennemis. Arrivée à quelques mètres, je me faufile entre deux roches, jette un coup d'œil sur ce qui se passe en contrebas et manque de m'évanouir. Mon sang se glace dans mes veines. J'ai vue sur l'entrée d'une caverne, en plein milieu du désert, mais ce n'est pas cela qui me fait horreur, non : des centaines de créatures entourent la chimère que je traque depuis le matin, on dirait des licornes et des fées mais en version... démoniaques. Je me tourne vers mes compagnons qui suivent également la scène avec effroi et Lizzie affirme ce que l'on pense tous :

« Excusez l'expression mais alors là, on est vraiment dans la m****... »

Je confirme puis porte de nouveau mon regard sur la petite armée d'atrocités. Elle a raison : nous sommes heu... mal barrés ? 
À suivre...

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