Bonjour, je vous propose ici une nouvelle appartenant au genre policier
intitulée « Un décès bien spécial ». Je vous remercie par avance pour
votre lecture et votre patience. J’ai adoré écrire cette histoire qui,
j’espère de tout cœur, vous plaira. J’ai, jour après jour, ajouté de
nouveaux détails, réagencé des phrases pour pouvoir vous apporter un
réel plaisir à la lecture de celle-ci. Je l’ai fait d’une première part
pour moi mais aussi, comme vous vous en doutez, pour ce concours auquel
j’avais déjà participé dans le cadre du festival du roman policier Bloody Fleury, l’année dernière. Je préfère vous prévenir, vous trouverez du langage courant voire familier à certains moments :
j’espère que cela ne vous gênera pas. C’est donc avec une immense
fierté et un bonheur surdimensionné que je vous propose de plonger au
cœur d’un récit « bien spécial »… Bonne matinée, journée, soirée ? Cela
dépendra de l’heure à laquelle vous lirez cette histoire. Quoi qu’il en
soit, encore merci et bonne lecture !
Remerciements
tout particuliers dédiés
au jury qui sera, ici, mon/ma lecteur/lectrice,
mais aussi à mes grands-parents qui m’ont accompagnée
moralement dans la rédaction de cette nouvelle, et ma famille qui fut à
mes côtés du début à la fin, de la première majuscule au point
final.
Bien à vous.
Océane
Un décès bien spécial
Saluuuut ! La forme, la pêche, la banane ?! Perso, ça fait deux heures que
je suis levée, il n’est que huit heures trente, et je pète la forme ! Et
vous, ça roule ? Oh, allez, on se bouge ! Nan ?! Bon, ok. Compris. En
attendant que ma dormeuse de colloc’ se réveille, je vais me présenter.
Alors, je m’appelle Line, avec un seul n, DAUSSE. Et ouais, pas courant
comme nom de famille, hein ? Je viens de prendre dix-sept ans le dix août.
Ça fait donc, euh… je suis une véritable burne en calcul mental, trente
jours. On est le 9 septembre, précisément. Je suis blonde, les cheveux
longs jusqu’aux épaules et ondulés, j’ai de grands yeux verts comme
seulement deux pour cents de la population mais aussi comme mon père. De
petites tâches de rousseur colorent mes joues et ma peau est légèrement
bronzée. Je fais près d’un mètre soixante-quinze et je suis plutôt fine. Je
ne fais ni sport ni régimes, c’est simplement génétique. Pff... et mes
potes qui me demandent comment je fais, mdr en fait, j’y suis pour rien les
coupines. Ouais, ouais, vous avez bien lu, les cOUpines. Depuis quelques
mois, je vis dans un appartement près de Caen que je partage avec ma
meilleure amie : Alicia.
Elle est l’opposée de moi. Petite et rondouillette, elle ne dépasse pas le
mètre soixante. Elle est métis avec de longs cheveux noirs lui descendant
jusqu’aux fesses. Ils sont magnifiquement bouclés et elle possède de
splendides yeux noirs. La couleur en est si belle que j’ai l’impression de
plonger dedans lorsque l’on se regarde !
Maintenant, il est huit heures quarante-cinq. La famille. Alors. Mon père
part souvent travailler à Londres mais je n’ai pas la moindre idée de ce
dans quoi il bosse. Ma mère, elle, est secrétaire dans les assurances à
Mondeville. Mes parents ne sont pas séparés mais je doute que mon père
n’ait pas fait la rencontre d’une charmante jeune femme, là-bas et qu’il ne
trompe pas ma mère avec elle. Je le connais, je sais comment il est. À vrai
dire, mon père du nom de Mark, a toujours voleté d’amourettes en amourettes
jusqu’à ce qu’il rencontre ma maman et qu’il ait trois enfants avec elle.
J’ai, tout d’abord, un petit frère, Matthéo, et une petite sœur, la
dernière de la fratrie, qui s’appelle Camilia. Oui, oui, vous ne rêvez pas,
Camil-i-a. Je suis donc l’aînée, talonnée par Mat’, son
diminutif, qui a dix ans et la dernière de six ans. La petite intello de
service, près de cent questions par jour de sa part. Mon dieu ! Ah ! La
sonnerie de téléphone !
Je me jette, littéralement, sur mon lit et choppe le portable qui vibre
comme un taré.
- Allô ? fais-je.
- Bah alors, ma diva ? déclare une voix chantante que je connais bien,
déjà, debout ?
- Tu me connais, je réponds.
À présent je chuchote, il y a quand même Alicia à côté.
La personne éclate de rire alors que retentit le ronflement de ma meilleure
amie. Je pouffe et décide d’aller dans ma euh, notre cuisine. Je m’assieds
sur le tabouret.
- T’es assise ? demande-t-on.
- Euh, bah ouais. Pourquoi ?
- Une mauvaise nouvelle.
Je me renfrogne et me cale contre le tout petit riquiqui dossier. Oui,
pitit, riquiqui.
- Oh, oh… je fais simplement.
- C’est Tamsin, elle est… disons…
Une sueur froide me dégouline dans le dos. Je n’aime pas quand Tom me dit
ça. Ah, oui, au fait. Tom c’est mon petit copain, ça fait genre… Six mois
qu’on sort ensemble ? Ah, non, c’est vrai, neuf. Tamsin, c’est une pote
d’enfance à lui, moi qui d’ordinaire suis jalouse, quand il s’agit de
Tasmin je n’ai rien à craindre. Il n’y a jamais rien eu et n’y aura jamais
rien entre eux. Oh là, du calme les poulettes, je vous connais, je ne dis
pas que Tam n’a pas de charme, loin de là. Elle est une vraie déesse.
Genre, une beauté sans pareil. Bon, revenons à notre discussion.
- Accouche, je grogne, flemme d’attendre, tu craches le morceau et on en
cause after, okay ?
- Ouaip, acquiesce Tom au bout du fil. Bah, elle est genre…
- Azy, balance, coco ! je piaille, c’est pas que j’aime les mauvaises
nouvelles mais bon autant dire tout de suite et après discuter, non ?
Z’êtes pas d’accord avec moi ? Je vois d’ici votre petit sourire en coin,
vous devez me prendre pour une folle tout droit sortie de l’asile, non ? Si
je puis vous rassurer, imaginez-moi avec une voix haut perchée, c’est plus
marrant, je ne suis ni folle à lier ni atrocement stupide. Juste une grande
comique.
Contre toute attente, mon copain sort :
- Elle est couic…
Je m’étrangle. Je tousse bruyamment ce qui a pour effet de faire apparaître
Alicia avec une tête mais, my god !, les cheveux en bataille, les yeux
vitreux et la marque de l’oreiller sur la joue gauche. J’avale ma salive de
travers alors qu’elle me regarde, effarée. Je retousse, me ré-étrangle et
finis courbée en deux sur mon tabouret, les deux mains appuyées sur mon
ventre. Mon tel tombe par terre, et par chance, ne coupe pas l’appel.
J’entends les allô répétés de Tom et émets un couinement. J’imagine un
point d’interrogation se former au dessus de la tête de celui-ci. Alicia,
quant à elle, me tapote gentiment le dos.
Mais je suis en train d’agoniser, pauvre andouille ! Je continue de tousser
et finis, enfin, par me calmer. Je relève la tête et vois une lueur amusée
dans les yeux de ma best friend, meilleure amie pour les nuls en anglais.
Mdr, comme moi, quoi. À prendre avec humour, hein ?
Je la remercie alors qu’elle commence à rigoler. Pour se ficher de moi,
c’est tellement mieux ! Je souris et finis par reprendre le téléphone :
- Elle est genre, vraiment, couic ? je demande en redevenant sérieuse.
- Non, non, pas du tout ! Simplement morte et après elle va revivre, c’est
bien connu c’est une morte vivante ! se renfrogne-t-il. Pff, elle était si
jeune, soupire Tom. Mon dieu, mais qu’a-t-elle fait pour mériter ça ?
- Peut-être qu’elle était malade ? je propose.
- Non, non, non.
- Intoxication ? je suggère, nerveuse.
- Toujours pas, répond mon copain.
- Alors, euh… volontaire…? je murmure, redoutant la réponse.
Un soupir et un râle de douleur se fait entendre :
- Dans le mille, valide-t-il, un homicide volontaire, qu’ont dit les flics.
Je m’en taule de mon tabouret, tient ! Alors que je termine les fesses par
terre, j’écarte le combinet, les mains tremblantes. Mon dieu, mais qui et
pourquoi ? Alicia qui a tout suivi d’une oreille pendant qu’elle déjeunait
me relève, blanche comme un cachet d’aspirine, d’après mes expressions. Je…
je porte les mains à mon cou, choquée. Elle est aussi traumatisée que moi
et je n’imagine même pas la réaction de Tom quand il a appris la nouvelle.
Oh, mais… Pourquoi, mon dieu, pourquoi ? Et qui ? Bon dieu…! Pour la
deuxième fois en cinq minutes, je reprends le portable qui clignote.
- Oh, je suis tellement désolée, je chuchote, passe à l’appart’ pour
causer, si tu veux. Si tu préfères rester un peu seul, je comprends, mais
n’oublie pas mon chat que je suis là si tu en as besoin.
- Non, ça va aller, je vais sortir avec mes potos ce soir pour me vider la
tête et pis, ben… Je vais m’en sortir, ça va aller, n’oublie pas que je
suis là aussi, je t’aime.
- C’est réciproque, fais-je en lui conseillant de ne plus y penser.
- Encore merci, zibou ma chérie, me salue-t-il.
- Bisous…
Je repose mon iphone sur la table de la cuisine et regarde l’heure. Huit
heures cinquante-cinq. Je murmure des choses incompréhensibles et décide
d’appeler les parents de la jeune fille tuée, Tamsin.
Ils décrochent à la deuxième sonnerie. On cause pendant dix minutes. Ils
m’indiquent où ils se trouvent, c’est-à-dire sur les lieux du crime. Elle
aurait été tuée à coups de fourchette. Oui, oui, vous avez bien lu, à coups
de fourchette ! D’abord, au niveau des côtes puis des bras et plusieurs
griffures portées au cou jusqu’à toucher la jugulaire qui fut percée.
L’assassin devait donc être plutôt musclé ou avoir de la force, les fics
ont vu qu’elle s’était débattue avant de mourir. My god, it’s atrocious !
Ça fait cinq jours qu’elle est décédée mais Tom ne voulait pas me blesser
en me le disant avant.
Je décide de prendre mon manteau et d’enfiler mes converses, j’informe
Alicia que je sors mais elle m’arrête. Je me retourne, une main
trifouillant dans le sac, et plante mes yeux dans les siens. Elle
s’approche et pose ses deux mains sur mon épaule. En un clin d’œil nous
nous sommes comprises. Elle me souhaite bonne chance et me dit que je suis
courageuse juste par le regard. C’est aussi ça, une meilleure amie,
quelqu’un qui vous comprend et que vous comprenez en deux temps trois
mouvements.
Je détourne les yeux pour ne pas pleurer et quitte l’appartement, je prends
la voiture qui est garée sur le parking. Je roule en direction d’un
sous-bois guidée par le GPS, en ayant une boule dans la gorge. J’arrive sur
les lieux et découvre les parents de Tamsin, habillés tout en noir. Mince,
moi j’ai un pull rouge et un jean bleu. Bon, je m’approche d’eux et on se
fait un gros câlin. Les larmes coulent, la colère éclate, les sanglots
résonnent mais nous nous serrons dans les bras. Je secoue la tête. Je
remarque deux gendarmes qui s’approchent et nous font un triste sourire, je
relève les yeux et commence à poser des questions.
Me trouvant sûrement trop rapide l’homme m’arrête d’un geste de la main. Je
me présente rapidement et continue mes questions. Où ? Quand ? Qui ?
Comment ? Pourquoi ?… La femme qui accompagne le flic tente de me répondre
bien précisément mais je vois qu’elle bute sur le pourquoi et sur le qui.
C’est un meurtre qui s’est déroulé ici, c’est une agression à la
fourchette qui a eu lieu il y a cinq jours, c’est à dire lundi soir, le
cinq septembre. On a retrouvé, mon dieu merci !, l’arme du crime et on a pu
l’analyser mais on n’a pas encore identifié l’ADN.
Les flics suspectent Tom, oui mon copain, pourquoi lui, ne me demandez pas,
je n’en sais rien. Son mobile, ce serait qu’il n’aurait pas accepté le fait
qu’elle sorte avec un mec de deux ans de plus qu’elle. Or, Tom n’est pas du
tout comme ça, j’en reste comme cinquante cinq ronds de flan, selon mes
expressions encore une fois ! Je ne dis rien à ce sujet mais me promets de
creuser l’idée.
Sinon, le deuxième suspect serait, cette fois, l’ex de Tamsin, un espèce de
grand gaillard à l’allure de surfeur que Tam aurait plaqué il y a un an
mais qui ne se serait pas remis de leurs séparation. On dit toujours que
les surfeurs sont BG mais là y a que le corps de pas mal, hein. Mouais, je
penche plus pour le grand gaillard à tête de fouine. Beurk, je ne sais pas
ce que Tam’s aurait pu lui trouver mais bon, on dit toujours que l’amour
rend aveugle. Dans ce cas, possible qu’elle soit sortie avec pendant deux
ans avant de le plaquer car il commençait à être trop insistant : il ne lui
laissait pas de liberté, elle souriait à Tom et c’était la débandade.
Bon dieu ! Je ne supporterais pas que mon copain soit comme ça, et
heureusement ce n’est pas le cas. Je demande à m’approcher des barrières
encadrant le lieu du meurtre en disant que mon père est policier. Ce qui
n’est évidement pas le cas. Pas grave, un petit mensonge pour une grande
cause.
J’inspecte de l’œil la scène et remarque presque immédiatement un bout de
tissu coincé sur un piquet. Je viens voir de plus près et décide
d’interpeller la policière de tout à l’heure. Elle me contourne et saisit
l’étoffe du bout d’une pince. Elle me remercie et décide d’aller en savoir
plus à propos de ce truc-là. Je passe sous les barrières et
rejoins la gendarme qui passe le textile dans une machine. Un vacarme
assourdissant retentit mais personne ne bronche alors que moi je grimace.
- Ciel ! s’exclame-t-elle.
Elle nous plante tous les trois, les parents de Tam et moi, nous laissant
les bras ballants. La flic accourt vers ses collègues et crie des choses
que nous ne comprenons pas. Je lève un sourcil en direction de Stéphanie et
Sébastien. Ils me regardent, interloqués. Je hausse les épaules et décide
d’aller voir ce qui se trafique là-bas. J’approche et demande des
renseignements :
- Vous avez découvert quelque chose ? je questionne.
- Oui et non, m’informe-t-on.
- C’est-à-dire ?
- Ce tissu que vous avez trouvé appartient à la victime, on pense pouvoir
éclaircir certains aspects de l’enquête.
- Bon, et du coup c’est tout ? je fais.
- Et c’est tout. On est sur les lieux du crime depuis lundi et ce détail
nous avait échappé. Merci pour votre découverte jeune fille, m’indique un
policier d’environ trente ans, quel est le nom de votre père ? Puisqu’il
est du métier je dois sûrement le connaître…
- Oh, euh… Bah, il ne prend pas son vrai nom pour travailler donc je ne
connais pas celui qu’il utilise dans sa profession.
Et un mensonge de plus, oupsi. Bah tant pis, au moins j’ai fait avancer
l’enquête. Je salue de la main les deux S, autrement dit les parents de Tam
et reprends la route jusqu’à mon appart’.
Là-bas, j’explique tout à Alicia autour d’un cappuccino. Je décide de noter
tout ce que je sais sur l’enquête dans un cahier avec ma cop’s derrière moi
qui m’indique comment bien tout organiser et repasse en fluo les choses
importantes.
On y passe deux heures et c’est ma faim de loup qui nous ramène à la
réalité. Je continue d’en discuter avec elle tout en préparant le repas de
ce midi. On mange au contraire dans un silence de plomb. Une heure et demie
après, je me penche encore sur mes notes. Je me creuse lat tête pendant
l’après-midi et ce n’est que quand je vois le soleil décliner que je lève
les yeux. Je vois Alicia repasser en chantonnant. On termine la soirée et
je cours me coucher après avoir déposé un bisou sur sa joue et lui avoir
souhaité bonne nuit. Je m’endors en quelques minutes.
***
Le soleil filtre à travers les rideaux or pâle et j’entends d’une oreille
les corbeaux, c’est tout de suite moins romantique, hein.
Je m’extirpe des draps, me prépare, déjeune et quitte l’appartement. Je me
dirige vers la maison des parents à Tam et demande à voir sa chambre.
Je grimpe au deuxième étage et entre dans un petit cocon chaleureux.
J’inspecte la pièce avec des gants et déniche, telle une détective, un
journal intime. Je lève un sourcil interrogateur.
Et c’est là, dans une chambre colorée de rose, vert et noir, qui ne
m’appartient pas car elle est à une jeune fille décédée et dont les
questions restent sans réponses, que je me jette à corps perdu dans
l’enquête. C’est à moi et à moi seule de régler cette histoire, ne
serait-ce que pour ses parents mais aussi pour Tom. Pour l’innocenter.
J’ouvre, fébrile, le fameux journal et apprends de nombreuses choses sur
Tamsin qui pouvait passer pour une femme à qui la vie avait souri dès la
naissance. Je découvre que le nouveau mari de sa mère a la main leste et
qu’il a une légère dépendance à l’alcool. J’ouvre de grands yeux. Tam’s
avait tout pour elle, son père et sa belle-mère aimants, sa propre mère,
riche et célèbre. De plus, la jeune fille possédait un charisme débordant
et une popularité sans limite, un compte instagram débordant d’abonnés,
enfin ça c’est pas important, une intelligence à couper le souffle et bien
d’autre choses mais visiblement l’image qu’elle renvoyait cachait un sombre
passé. Je m’assieds du bout des fesses sur son lit et pense à l’arme du
crime. Une fourchette.
Une lumière apparaît dans un coin de mon esprit. Je me rue hors de sa
chambre, explique en deux trois mots ce que j’ai appris et ce à quoi je
viens de penser et cours jusqu’à la police municipale.
Je pousse les personnes des coudes et me poste devant un gendarme qui me
regarde, ahuri.
- Oh, ça va, hein ! je piaille, j’ai appris un truc sur l’affaire de Tamsin
Chiro.
- Allez vous asseoir sur ses chaises, on viendra vous chercher,
m’indique-t-il sans m’adresser un seul coup d’œil.
- J’espère bien ! je lance d’aplomb, j’vais pas clamser ici, une morte ça
suffit, pas besoin d’une deuxième !
- Je vous prierais de respecter les personnes de cette pièce et de ne pas
ébruiter l’affaire, cela ne les concerne pas, réplique-t-il sèchement.
- Gnagnagna, qu’il pense ce qu’il veut ce vieux rat ! je murmure en
m’asseyant.
On vient me voir quelques minutes plus tard, c’est une dame d’un certain
âge mais plutôt jolie, et j’explique tout dans une pièce plus sombre que ma
cave, bon dieu ! Ça leur arrive de faire le ménage ?! La femme
rondouillarde en face de moi note au fur et à mesure, je crois qu’elle
s’appelle Gabrouille, son nom de famille hein, tandis que son coéquipier me
pose les questions. Un grand gaillard avec une tête d’ange, ma parole ! Je
secoue la tête : il vient de me poser une énième question alors que je
tâchais de ne pas m’endormir. Ah bah braavooo, Line ! C’est pas la peine de
passer pour une andouillette de dernière catégorie ! L’entretien se termine
et je rabâche encore et encore ce qu’il m’a dit.
Je sors de la police municipale et me dirige vers Ice Cream’Angela, un
restaurant faisant les meilleures glaces de la ville, si c’est pas du
monde. Je déguste ma commande assise à une table de bois alors que Tom
arrive après mon appel. Il m’embrasse et je lui rend la pareille. Je
réexplique pour la centième fois (au moins!) ce que j’ai découvert :
l’ancien crush et petit ami de Tam était connu dans le monde des artistes
et notamment d’une actrice du nom de Louisa truc muche, qui était sortie
avec notre gars pendant cinq ans. Il l’a plaqué pour Tam mais madame n’en
est pas restée là. Elle a harcelé notre pauvre Tamsin pour qu’elle quitte
la tête de fouine. La tête de fouine, c’est son ex, hein. Celui qui a que
le corps de surfeur mais qui a une face immonde, là. Elle aurait résisté
aux assauts de l’autre folle mais aurait fini par le plaquer l’an dernier
pour cause de non liberté. Je proclame la totale liberté des femmes,
féminisme pauvre andouille ! Dédié à Tête De Fouine ou Truffe selon vos
goûts. Bref, Louisa aurait le parfait mobile pour tuer Tamsin car lorsque
Tête De Fouine l’aurait plaquée pour Tam elle l’aimait encore donc voilà :
se débarrasser de Tam’s, cette donzelle enquiquinante selon elle pour
pouvoir récup’ Corps de Surfeur mais Tête De Truffe… La génie, cette
Louisa, enfin non. Faut laisser Tam en vie quand même… C’est un bon plan
mais avec une fin tragique.
Tom me regarde, choqué, épouvanté et tremblant comme une feuille. Je
contourne la table et m’assois à ses côtés. Je fais claquer mon index et
mon pouce devant ses yeux mais il ne réagit pas. Je réussis finalement à le
sortir de sa demi-inconscience et on repart chez moi pour discuter et
éclaircir les ombres de l’enquête. On parle et débat sur le chemin mais
aucune conclusion concrète ne nous vint à l’esprit. Malgré ma déduction de
tout à l’heure qui nous paraît plausible nous n’avons rien à nous mettre
sous la dent.
On passe une heure autour d’un café tout les deux et Alicia nous rejoint à
la fin pour exposer ses idées. Je termine par proposer à Tom de rester à
l’appart’ pour manger et passer la nuit. Il me répond que ça lui ferait
énormément plaisir de pouvoir passer du temps en ma companie. Je prépare le
repas et la discussion est animée durant le dîner, on part se coucher,
Alicia dans la chambre de droite et mon copain et moi dans celle de gauche.
Je m’endors au bout de quelques minutes et me rappelle que demain je dois
travailler chez Ice Cream’Angela en tant que serveuse. Mon petit-ami me
prend dans ses bras avant de sombrer dans les bras de Morphée à son tour.
~ ~ Je ne discerne plus rien à part une nappe de brouillard. J’avance à
tâtons dans la brume et me cogne violemment contre un objet dur. Je
réprime un couinement et aperçoit une ombre furtive. Je plisse les yeux
mais ignore où elle est partie. J’avance aussi silencieusement que
possible et découvre une porte devant moi. Je tente de l’ouvrir et elle
cède du premier coup alors que je glisse à l’intérieur d’un bâtiment
que je viens d’identifier comme une église catholique. Je me retrouve
nez à nez avec un cercueil. Je réalise peu à peu que j’assiste à des
funérailles. Je connais la personne décédée et m’assois au premier rang
à côté d’un couple d’une quarantaine d’années en larmes. Le prêtre
récite son discours mais je n’y comprends pas grand-chose étant donné
que je n’appartiens à aucune religion. Il annonce d’une voix solennelle
et désolée le nom d’une personne que je mets du temps à reconnaître.
Soudain, prise de nausées, je me lève et m’excuse au près du couple qui
hoche la tête. Je me rue aux toilettes et vomis le contenu de mon
déjeuner. Il est à présent là-bas, loin de moi et d’ elle. ~ ~
J’ouvre les paupières en sursaut et ruisselante de sueur. Tom se cogne
violemment la tête contre le mur car je l’ai réveillé également, il plaque
une main sur ma bouche.
-… Est… que… tu fais ? j’arrive à articuler.
- Tu hurles comme une alarme d’incendie, me répond-il.
-… Relâche… oi ! je piaille.
Il enlève sa main de ma bouche et je me masse la mâchoire.
- Tu m’as fait mal… je me plains.
- Nan, en vrai je t’ai pas blessée du tout, se renfrogne-t-il.
- Mais je sais, j’te taquine, j’essaye de détendre l’atmosphère mais ce nom résonne en continu dans mon crâne.
J’essuie mon front ruisselant et Tom me cale contre lui. Je colle mon dos à
son ventre et place mes jambes entre les siennes. Il me caresse les joues
qui, à présent, sont inondées de larmes. Je sanglote, et pose ma tête sur
mes genoux ramenés contre ma poitrine. Mon copain s’appuie au niveau du mur
et relève mon visage où il dépose un long et doux baiser sur mes lèvres
humides. J’enlace mes bras autours de son cou et pose ma tête contre son
torse et il resserre ses mains autour de ma taille. J’entrouvre la bouche
et il pose la sienne sur la mienne. Je finis par me reculer.
- Alors, t’as fait un cauchemar mon cœur ? me demande-t-il.
- Non… Non. Une (mon dieu !) une espèce de vision qui a tourné au drame…
- Tu veux me raconter ?
Il se montre bien veillant et compréhensif mais il ne mesure pas
l’intensité de ce que j’ai vécu.
- Je… Il est quelle heure ? je le questionne.
Il regarde sa montre et m’indique qu’il est six heures trente-cinq.
- Il faut qu’on aille chez les flics ! je crie.
- Wow, wow, wow ! Calme, explique-moi un peu tout ça et on en reparle
après, ensuite on ira au commissariat.
Je débite à toute allure ce que j’ai vu mais il insiste en me posant des
questions. Mes yeux s’humidifient et je chasse d’un geste nerveux les
larmes qui montent. Tom m’enlace et je me rendors contre toute attente. Une
mèche de cheveux qui vient chatouiller mon nez me réveille. Il n’a pas
dormi depuis tout à l’heure. Je jette un œil à sa montre, huit heures.
On se lève et se prépare et il confectionne le petit déjeuner. On mange et
quitte l’appartement quarante-cinq minutes après. Il conduit sa Clio et
débouche sur le parking du commissariat.
Je toque à la porte et la pousse, je m’appuie contre elle et force pour
l’ouvrir mais toujours rien. Je souffle, croise les bras et tape du pied
par terre. Je vois Tom se marrer et tirer la porte vers lui, par miracle,
non je suis juste nunuche, elle s’entrouvre et on rentre à l’intérieur pour
échapper au froid de dehors. Je m’assieds sur un canapé et mon copain se
glisse un chewing-gum dans la bouche. Un policier vient nous voir et on
rentre dans un bureau impeccablement rangé. Ce qui change, évidemment, de
l’autre pièce poussiéreuse et en bazar complet. Je pose gentiment mes
petites fefesses sur l’une des trois chaises réservées à la clientèle.
J’explique ma vision de cette nuit. Le flic me regarde d’un œil bizarre et
croise ses mains en s’humectant les lèvres.
- Hum, hum… fait-il.
- Oui ?
À mon grand étonnement et suscitant une colère grandissante, ce type
explose de rire. Mais vraiment. Il ricane en se frappant les genoux et
essuie ses yeux qui pleurent. De rire. Je pousse un sifflement strident.
- Stop ! Non, mais qu’est ce qui vous arrive ? je hurle.
- Ah ! Elle est bonne celle-là !
L’andouille rigole toujours alors que je m’acharne à rester calme malgré
tout.
- Je vous parle de choses sérieuses et vous, tout ce que vous trouvez à
faire, c’est éclater de rire ! Mais vous êtes attardé mentalement mon
pauvre gars !
Après cette tirade je me lève d’un bond et quitte furieusement la pièce
d’un pas décidé et colérique. L’homme se calme immédiatement et me rattrape
par le bras. Je crie et me dégage avant de m’arrêter devant le bureau
d’accueil. Ce n’est plus le gros pif d’hier qui la tient mais une petite
bonne femme tirée à quatre épingles. C’est quoi ce commissariat ? Entre un
attardé qui rigole tout le temps même pour des choses sérieuses, une
vieille refaite de toute part, je nomme madame tirée à quatre épingles, un
plutôt mignon et Gri… Non Gabrouille, on est bien les gars, on est bien !
Je demande à voir celui qui m’a écouté hier, le flic pas mal, là… Elle part
le chercher et il m’accompagne dans son bureau où j’explique, encore une
fois, ma vision et ce qui s’est passé avec l’autre.
On parle et il me propose d’aller la voir. La police criminelle a déjà
rendu visite à Monsieur tête de fouine et il a un alibi pour le soir du
crime. Flûte !
Je rentre chez moi à pied après avoir dit à Tom que j’avais besoin d’être
seule. Je rumine ma matinée sous ma douche.
Mon iphone vibre mais je l’ignore royalement. Je me sèche, enroule mes
cheveux dans une serviette orange fluo, on me voit de loin au moins, et
écoute le message vocal laissé. C’est les flics, à qui j’ai donné mon
numéro à l’accueil au cas où ils auraient besoin de m’appeler, qui ont
téléphoné. Je suis conviée à l’enterrement de Tamsin mercredi prochain,
dans… quatre jours ! Je dois y assister et je VEUX y assister pour Tam mais
ce ne sera pas la joie… Sinon, on me dit que Tête de truffe est toujours
innocent après une vérification de son alibi auprès de ses proches avec qui
il a passé son lundi soir au restaurant jusqu’à minuit. Restaurant se
situant au bout de ma rue dont le serveur a regardé sa liste de clients de
ce jour-là et Tête de fouine y était bien. Donc, c’est forcément Louisa
machin chose qui est l’ex de Tête de fouine qui a tué ma Tam. Les flics
n’écartent pas cette possibilité et vont enquêter de ce côté. Conclusion,
ce n’est pas Tom qui a assassiné Tam’s. J’avais raison depuis le début.
Pff, Tom tuer Tam, non mais où va le monde !
Je l’appelle pour lui annoncer et il me dit qu’il est arrivé chez lui. Je
prends mon manteau et pars chez Ice Cream’Angela pour prendre mon service
après Marina, l’autre serveuse. J’arrive là-bas et commence à servir les
clients : une troupe de garçons/filles qui commande des glaces et des
boissons et un couple d’un certain âge ayant une passion pour la glace aux
fruits de la passion. Ha, ha, ha ! Oh rigolez un peu quoi ! Moi je suis
morte de rire derrière le comptoir. Enfin, moi c’est à cause d’un jeune
homme qui vient de se prendre les pieds dans le tapis et s’est étalé de
tout son long par terre. Marina le redresse mais il est, heureusement, en
train de rigoler. Je rentre chez moi vers dix-sept heures et mange un
morceau.
Je mets un film en route et, quelle stupide andouille, m’endors devant. Mon
téléphone qui sonne me tire de mon sommeil. Les yeux gonflés je décroche
sans même reconnaître le numéro. Il n’est pas dans mon répertoire.
- Allô ?
- Madame Dausse ?
- C’est moi-même.
- Bonjour, madame. Je suis désolé de vous annoncer cela mais vous êtes
convié le plus rapidement possible au poste de police de la ville voisine.
- Ah. Bon très bien, j’y serai. Merci monsieur.
- À toute suite madame.
- C’est cela.
Je raccroche et file me préparer. Je quitte mon appartement et emmène
Alicia avec moi. On arrive une demi-heure plus tard et je ne comprends
toujours pas ce que qui m’attend. On se réchauffe vite à l’intérieur et un
agent nous prend en urgence. C’est celui qui était sur les lieux de
l’enquête l’autre jour ! Il me fait un clin d’œil et mon amie m’indique
qu’il me dragouille un peu. On rentre dans une pièce.
On me place et on fait entrer le potentiel coupable du meurtre de Tamsin
Chiro. Je m’attends à voir apparaître notre très cher Tête de Fouine mais
je m’effondre lorsque j’aperçois une personne que je connais bien avec une
tête brune, le teint hâlé et les yeux verts, la musculature développée. Des
larmes de rage roulent sur mes joues et je me prends la tête dans les mains
lorsque je comprends qu’il m’avait trompée, et que jamais je ne m’en
remettrai… Alicia me réconforte mais je suis blessée, il m’a détruite. Je
me lève, me dirige vers lui et lui administre une gifle monumentale, ainsi
la marque de mes cinq doigts est tracée sur sa joue rugueuse et est encrée
dans ma mémoire et dans la sienne pour le restant de ses jours. Il ne
relève pas et me regarde, les yeux aussi froids que de la glace. Je lui
tourne le dos et me rassois le plus loin possible de lui.
Je vois pourtant son regard qui scintille et une larme perle au coin de
ceux-ci.
On apprend le mobile du meurtre : notre coupable n’a jamais encaissé le
fait que Tamsin soit sortie il y a des années de cela avec un jeune homme
de quatre ans de plus qu’elle alors que lui-même éprouvait des sentiments
pour son amie d’enfance. J’ouvre de grands yeux choqués. Toute cette
histoire l’a rongé jusqu’à ce qu’il en perde la raison et porte le coup
fatal après une soirée entre amis et quelques verres de trop. Mon ex-petit
copain a tué sa meilleure amie. Il s’agit évidemment de Tom que je viens
officiellement de quitter après une jolie et agréable baffe que je savoure
avec un réel plaisir. Cette affaire est close et il finira derrière les
barreaux. Il tente de s’approcher de moi et pose une main sur ma joue. Je
n’ai aucune réaction. Alicia se place à ma gauche et le fusille du regard
alors qu’il plonge le sien dans mes yeux emplis de larmes. Je comprends,
c’était lui qui était apparu dans ma vision.
- Tu as osé… je gronde dans un murmure.
- Tout est allé trop vite pour que j’aie le temps de réagir, explique-t-il
sur le même ton.
- Non, c’est faux et tu le sais aussi bien que moi.
- J’ai voulu…commence-t-il.
Je chasse de la main ses propos inutiles.
- C’est fait. C’est trop tard, elle ne reviendra pas.
- J’ai joué avec elle pendant toutes ces années, révèle-t-il. Je ne m’en
remettrai pas et je m’en voudrai toute ma vie. J’ai été un …
Je ne citerai pas la vulgarité.
- Tu as été mon second cobaye, tranche-t-il impénétrable.
Et, je m’effondre, anéantie.
Océane Marie
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