En cette rentrée 2017, Le Monde de Verlaine poursuit la publication du roman de Maëlys, Les aventures de Célestia. Nous espérons que la lecture de ce 6e chapitre va donner envie à d'autres écrivains du collège de publier sur le blog leurs propres histoires.
Si vous souhaitez lire ou relire les premiers chapitres, voici les liens sur le blog :
Chapitre 6
« Au secours ! Pitié ! Arrêtez ce supplice !
- Myo, ne t'inquiète pas, on ne va pas couler !
- Je m'en fiche ! Pourquoi y a-t-il une mer sur ce fichu monde ?!
- Calme-toi mon chat, tout va bien ce passer, dis-je en le caressant.
- Mais non, ça va pas bien se passer ! On va tous mourir !
- Myo voyons ! Ne crie pas comme ça nous n'en avons pas pour longtemps !
- Ça taanngguee !!! »
Myo est vraiment paniqué : toutes griffes sorties, il hurle à la mort. Seulement nous ne pouvons pas nous arrêter : toutes les chimères sont derrière nous, sur la plage ! Malheureusement, ces affreuses créatures sont arrivées pendant que nous embarquions. Nous avions donc dû monter dans le bateau précipitamment et j'avais pris Myo dans mes bras pour aller plus vite.
Je n'aurais pas dû... Il a horreur de l'eau, horreur des voyages et horreur de la précipitation. Mes bras ont souffert : ils sont couverts de griffures de chat.
« CÉLESTIAA! FAIS QUELQUE CHOOOSE!
- Oh ça suffit ! Myo arrête de hurler, piailler, crier, miauler, brailler, vociférer et tous les autres trucs en -er, sinon, je te jette à l'eau !
- Mais...
- Tais-toi !
- Mais Cél...
- Chut ! »
Non mais !
En vérité je gronde Myo mais heu... il n'a pas tout à fait tort... moi non plus je ne suis pas très rassurée. Au moins, il s'est tu. Je sens un regard posé sur moi : Lizzie m'observe puis me pose la question suivante :
« Dis Célestia... Ton chat est vraiment très bruyant. Est-il toujours comme cela ?
Son air sérieux et profondément soucieux suffit à me faire glousser.
- Non, d'habitude il est muet comme une carpe, il n'a commencé à parler que très récemment.
- Une carpe ? Mais qu'est-ce qu'une carpe vient faire ici ? »
D'accord, j'ai compris... Pas d'expressions avec Lizzie.
« Ça veut dire qu'il ne parle jamais.
- Je vois. Alors Pitit est une carpe.
- Hein ? Ah oui... Et qui est Pitit ? C'est l'animal perché sur ta tête depuis toute à l'heure ?
- Bien sûr, c'est mon suricate. Je l'ai eu quand il est arrivé par erreur en Hercaliazie par une des entrées sur Terre.
- Dans ton palais ?
- Non, il a parlé avec d'autres animaux qui l'ont guidé jusqu'ici. »
Apparemment, les animaux qui parlent ce n'est pas un mystère ici. Il y a aussi plusieurs portes pour arriver jusqu'ici, alors pourquoi n'y aurait-il pas une porte pour repartir ? Je regarde l'étrange jeune fille. Elle surprend mon regard :
« Oui ?
- Lizzie, ce n'est pas naturel tes cheveux et tes yeux si? »
Elle se pince les lèvres, me jette un regard irrité et répond, un peu crispée :
« Bien sûr que si.
- Mais il y a forcément eu quelque chose ! Je veux dire, ta famille est comme toi ? C'est héréditaire ? C'est commun d'avoir les yeux et les cheveux roses ici ?
- Non, non et non. »
Oups... Je l'ai vexée. Mais pourquoi ne veut-elle pas que je sache ce qu'il s'est passé (car il s'est forcément passé quelque chose si ce n'est pas commun en Hercaliazie...) ? Comme d'habitude, ce que je ne suis pas censée savoir ou ce que l'on ne veut pas que je sache pique mon intérêt au vif. Eh ! Ce n'est pas de ma faute si je suis un peu trop curieuse!
Mais toutes ces distractions ne suffisent pas à dissiper l'angoisse au fond de mon cœur. Reverrais-je un jour mon monde ? Mes parents me manquent cruellement. La complicité entre moi et ma mère. Quant à mon père... Je me rends compte à quel point ils sont précieux à mes yeux. Pourquoi se rend-t-on compte de la chance que l'on a, justement lorsque l'on ne l'a plus ? Je pense que cela restera un mystère.
Nous accostons sur une berge parsemée de fleurs de toutes les couleurs. C'est vraiment joli, tout semble être à sa place ici : les fleurs, le petit ruisseau qui scintille, les pierres, les arbres, les buissons, les oiseaux multicolores qui chantent en cœur et les grands papillons mille fois plus éclatants que sur Terre. Pourtant, toute cette perfection me met mal à l'aise, comme si le paysage était... superficiel, oui c'est le mot.
Lizzie nous entraîne dans un dédale de buissons, d'arbres et de fleurs de toutes sortes, je n'ai jamais vu autant de couleurs et de variété dans une forêt. Les plantes montent si hauts que l'on a l'impression qu'elles vont toucher le ciel azur. Une douce brise nous rafraichit un peu, provoquant un léger bruissement dans l'air. Les feuilles des arbres paraissent vivantes, on dirait presque qu'elles chuchotent des paroles inaudibles. Des murs apparaissent entre deux branches d'arbres et Lizzie s'exclame :
« Regardez ! C'est chez moi ! C'est ma maison ! »
Elle appelle cela une maison ? Je dirais plutôt un château, un palais, pas une maison ! Une muraille sculptée encercle un jardin. Un bâtiment triangulaire, comme une pyramide nous fait face. Un peu plus loin, un portail d'or et une arcade d'argent ferment le... le... logement de Lizzie, un bâtiment rectangulaire à plusieurs étages.
« Je vous présente le palais d'Hercalias, le palais de ma famille. Venez, je vais vous faire entrer », dit-elle, en nous entraînant vers l'entrée.
Ah, je savais bien que c'était un palais et pas une maison !
Elle s'avance vers les deux gardes de l'entrée et leur murmure quelque chose. Ils s'inclinent devant elle et ouvrent le portail scintillant à la lumière du soleil. La jeune fille me fais signe d'entrer. Je me hâte de la rejoindre et pénètre dans l'immense jardin. Contrairement à la forêt que nous avons traversée, tout est organisé ici, les arbres sont taillés, les buissons bien coupés, des statues de dieux alignées et le chemin droit et bien entretenu menant devant la grande porte. Je m'attarde devant cette organisation incroyable tandis que mes compagnons me distancent un peu. C'est fou ce que les hercaliens peuvent être pressés ! Ils ne s'arrêtent même pas pour observer leur environnement et découvrir la faune et la flore ! Je ne sais pas si c'est parce que je viens d'arriver ici où s'ils ne sont pas très observa...
Je me retourne soudainement. Rien. Pendant un moment j'ai cru que quelqu'un me suivait. Ce doit encore être mon imagination qui me joue des tours. Pourtant j'ai vraiment senti quelque chose. Raah et puis zut ! C'est ce monde qui me rend folle ! J'en ai plus qu'assez de toute cette agitation moi ! À la base, je suis une fille normale, avec une vie normale, des occupations normales et... bon enfin disons que le tir à l'arc est une occupation normale, après j'avoue que je ce n'est peut-être pas normal d'attirer les animaux d'une forêt, mais en même temps, qu'est-ce-que la normalité ? Être comme tout le monde ?
Tiens, voilà que je me mets à la philosophie...
Je m'empresse de retourner avec les autres. On ne sait jamais. Devrais-je leur parler de ces choses étranges, de mes impressions ? La dernière fois Myo ne m'a pas cru. Je ne veux pas non plus le dire à mes compagnons : après tout, je ne les connais que depuis quelques jours (voire quelques heures pour Lizzie). Je ne leur fais pas encore totalement confiance bien que je doute qu'ils aient de mauvaises intentions. C'est compréhensible non ?
Nous entrons dans une énorme salle éclairée par une ouverture au plafond.
« Voici l'entrée... » En voyant nos mines ahuries, Lizzie s'empresse d'ajouter : « Mes ancêtres avaient un peu tendance à exagérer et ils adoraient impressionner les visiteurs alors... ».
À mon avis, ils avaient aussi un goût prononcé, pour l'or, l'argent, les diamants et autres joyaux de toutes sortes... Les murs en sont remplis. Cette pièce est envahie par des portraits d'hommes et de femmes appartenant sans doute à la famille de la jeune fille:
« Venez donc, dit-elle.
- Où ? Dans la grande pyramide qu'on a vu dehors ? demande Maotys.
- Bien sûr que non voyons, explique Lizzie, ce bâtiment n'est utilisé que lors des réunions des dieux, c'est-à-dire, environ une fois tous les mois.
- Ah...
- Non, je vais vous montrer la cour intérieure, elle est très belle ! Mon père l'a beaucoup améliorée. »
Elle nous entraîne vers le fond de la salle, ouvre une porte et m'invite à entrer (ou plutôt à sortir). C'est prodigieusement, extraordinairement, fabuleusement magnifique ! La cour regorge de vie malgré son organisation implacable. De drôles d'insectes volants rouges, noirs et blancs essayent de butiner les fleurs en mouvement. Tout autour de ce jardin, tel une maison à péristyle, des colonnes. Au centre se trouve un bassin d'eau claire et abondante qui alimente les petits canaux traversant les carrés de plantes. C'est assez simple, mais magnifique.
« Père a fait construire ce bassin. Il est en marbre rose. »
Décidément, ils adorent le marbre ici ! Mais il ne surcharge pas la pièce alors cela passe encore.
« C'est magnifique !
- Tu sais Célestia, tu es vraiment étrange, remarque Maotys.
- Comment ça ?
- Tu n'aimes pas les endroits riches, sculptés, tout de marbre... mais tu adores les endroits banals. »
Élise et Myo acquiescent. Lizzie, quant à elle, me regarde, surprise. Je ne réponds rien. Ils ne comprennent pas que la perfection est parfois... imparfaite justement ! Mais qu'est-ce que j'ai aujourd'hui ? À penser comme cela, je finirais philosophe !
Lizzie, la seule fille aux cheveux et aux yeux roses que je connaisse (ce qui me laisse toujours perplexe...) nous entraîne dans une autre pièce :
« Ceci est la salle du transmetteur. »
Ici, l'ébène et le marbre se mélangent en parfaite harmonie avec le trône d'argent finement sculpté. L'homme assis sur celui-ci est assez... heu... gros et ressemble un peu au père noël avec sa longue barbe fournie et son crâne dégarni (bon, j'avoue, ce n'est peut-être pas la meilleure comparaison que j'ai faite dans cette histoire. Mais, si vous n'êtes pas contents, vous n'avez qu'à écrire à ma place ! Alors arrêtez de vous plaindre et laissez-moi continuer ! Et toc !). Derrière lui, une dizaine de femmes s'activent à tisser de merveilleuses tapisseries dans les tons verts. À côté, une cage d'oiseaux bleus aux becs bleus et aux plumes de la queue immaculées. Ils sont très jolis mais un détail me surprend un peu... Ces oiseaux ont des dents ! Si si ! Des dents !
En m'observant, la fille du transmetteur a dû remarquer mon air confus :
« Ce sont des ityliterras. Ils sont beaux n'est-ce pas ?
- Des quoi ?
- Ityliterras. Ce sont comme des... comment dites-vous déjà ? Pigeons voyageurs. En plus évolués. »
Des pigeons avec des dents... des pigeons avec des dents... Mais... mais où est-ce que je suis tombée ?!
« Bon, attendez là je vous prie, je vais expliquer la situation à mon père.»
Lizzie s'adresse à l'homme, aux vêtements garnis de pierres précieuses :
«Arree lo to ru Célestia, Maotys, Élise fro Myo.
- Aal, to le ti nuve alis ?
- Breek ih. Célestia fro Myo se Terra.
- Terra magno Terra! »
À l'expression «terra» et aux regards rivés sur moi, je devine qu'ils parlent de mes origines. Mais qu'est-ce que cela m'énerve de ne pas tout comprendre ! Le père de Lizzie reste un moment à me regarder sans rien dire, comme s'il choisissait ses mots, puis dit avec le même accent que sa fille :
« Vous venez de la Terre ?
- Oui c'est exact monsieur. Je suis originaire du Nord-est de la France.
- …
- En Europe.
- …
- Vous savez, le continent.
- Mmh oui, peu importe. Vous êtes les bienvenus dans notre... heu... domum.
- Paro oer «maison», intervient Lizzie.
- Hum, très bien, vous êtes les bienvenus dans notre maison, rectifie-t-il, j'ai un peu de mal avec le français, vous savez avec le latin, le grec et toutes les autres langues... Mais bientôt je le parlerai ne vous en faites pas.
- Merci monsieur.»
Maotys me montre le plafond surchargés de fresques colorées et de meubles d'ébène sculptés à la perfection en me lançant un regard du genre « Ça ! C'est magnifique contrairement au jardin intérieur ! »
Je hausse les épaules et avance derrière Lizzie.
La fille rose (quand je vous dis que cela me travaille !) a une chambre plutôt spacieuse et lumineuse avec une magnifique vue sur la mer. Mais ce qui m'impressionne le plus, c'est la grande bibliothèque murale qui s'étale sur tous les murs de la chambre. C'est tout simplement génial, je veux la même chose !
Lorsque je passe près du miroir en face de son grand lit, je me reconnais à peine. Ma peau est bronzée, mes yeux rougis par la poussière et mes traits tirés par la fatigue.
Maotys prend la parole:
« Je ne comprends pas pourquoi le transmetteur est si riche...
- Peut-être que les dieux lui offrent des récompenses pour le travail qu'il fournit, propose Élise.
- Quel travail ? Moi aussi je veux bien transmettre des messages... »
Lizzie leur lance un regard noir. Pour changer de sujet et parce que je me suis souvenu brutalement de quelque chose, je demande à la fille et à Pitit sur sa tête :
« Ce n'est pas le dieu Hermès qui transmet les messages dans la mythologie grecque et un certain Thot chez les égyptiens ?
- Si. Mais comme tu l'as dit, ils sont censés le faire, seulement... ils sont... comment dit-on déjà ? Paresseux, ou plutôt prétentieux depuis qu'ils se sont réunis et, ne me demande pas quand ni pourquoi, ils ont décidé que nous, le peuple, n'étions pas dignes de recevoir des messages de dieux. La fonction de transmetteur est très récente en fait. Un ou deux millénaires je suppose. C'est pour cette raison que certaines personnes – elle jette un regard en coin à Maotys et sa sœur – ne la tolère pas encore.
- Mais c'est long un ou deux millénaires! dis-je, ignorant la provocation de Lizzie contre les deux autres.
- Certainement, mais tu sais, même pendant tout ce temps, les cerveaux... non... caractères... bref, ne changent que très peu.
- Les mentalités tu veux dire ?
- Oui, c'est cela, les mentalités ne changent que très peu. »
Je n'ajoute rien. Elle a sûrement raison. Tout de même, en deux millénaires, les personnes évoluent non ? Peut-être que pour certaines choses, elles ne changeront jamais...
« Venez, c'est l'heure de manger. »
Si vous allez une fois en Hercaliazie, je vous conseille un repas, que dis-je, un banquet dans le palais d'Hercalias ! Tout est délicieux. Les plats que l'on nous apporte sont tous plus beaux et bons les uns que les autres. Jamais je n'ai autant apprécié goûter d'étonnantes saveurs.
Après ce copieux dîner, Lizzie m'emmène jusqu'à la porte de ma chambre:
« C'est une pièce spéciale. Elle est conçue comme les chambres sur Terre. Nous avons des pièces pour chacune des espèce qui viennent dans notre palais. J'espère que tu t'y sentiras à ton... comment dit-on déjà... à ton aise.
- Vraiment ? Merci !
- Bonne nuit Cel !
- Bonne nuit. »
C'est la première fois que j'entends ce surnom de la bouche de quelqu'un d'autre que mes parents.
J'entre dans une chambre... normale. Tout à fait normale ! Pas de marbre, ni de statues, ni de fresques ou de sculptures. Rien que des murs couverts d'une peinture légèrement rosée, un lit à l'air confortable, une table basse, des fauteuils, un grand placard et une armoire. Mais ce qui me fait le plus plaisir est la salle de bain : une douche, des serviettes et des brosses à dents (oui, je suis vraiment très heureuse pour ces-dernières) !
Après m'être lavée plusieurs fois et coiffée soigneusement, je me glisse dans mes draps propres avec mon chat qui ne dit pas un mot et préfère ronronner. Pour la première fois, je m'endors sans me poser de questions sur mon avenir, trop fatiguée pour réfléchir.
À suivre...
Maëlys Cosson, 3e
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